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Paix, Démocratie et Droits de la Personne

Perspectives sur les conflitset garantir la Paix

Présenté par le Secrétaire Général de l’Internationale Socialiste au Comité sur la Paix, la Démocratie et les Droits de la Personne

Juin 2001

1. En cette année de son cinquantième anniversaire, l’Internationale Socialiste reste une organisation définie par son engagement à résoudre les conflits armés et à assurer une paix durable, à la fois entre les pays et au sein des pays. La violence détruit des vies humaines et réduit le potentiel de développement économique et de progression sociale. Comme nous l’avons souligné dans la Déclaration de Principes de l’Internationale Socialiste en 1989, la paix est une valeur humaine fondamentale et une condition nécessaire pour le progrès dans toutes les sociétés.

1.1 L’Internationale Socialiste est également convaincue que la démocratie et le respect des droits de la personne sont fondamentaux pour obtenir et maintenir la paix. Ceci a toujours fait partie intégrante de notre identité sociale-démocrate. Nous avons par exemple été parmi les premiers à mettre en relation le rétablissement de la paix en Amérique centrale et en Afrique du Sud et la promotion de la démocratie et nous avons adopté cette même perspective dans les Balkans.

Nous reconnaissons également que pour garantir une paix durable dans ces régions, et ailleurs, les institutions démocratiques doivent continuer à être développées, la protection des droits de la personne doit être encore renforcée et la culture de paix doit être encouragée, en particulier parmi les jeunes. Ceci est particulièrement important dans les pays qui ont récemment rejeté des régimes autoritaires mais qui n’ont pas encore établi un gouvernement démocratique suffisamment solide pour résister aux tensions et aux pressions de la mondialisation.

1.2 Fortifier la démocratie et faire valoir l’Etat de droit, contribuent à réduire les tensions et à prévenir l’éclatement ou la généralisation des conflits. L’expérience de notre Internationale, confirmée par plusieurs études d’experts, est que les Etats démocratiques, par rapport aux Etats non démocratiques, agissent bien plus rarement de manière violente contre d’autres nations, et qu’ils réussissent plus souvent à maintenir une paix relative à l’intérieur de leurs frontières.

1.3 La démocratie est également essentielle pour prévenir et résoudre les conflits mettant en jeu des différences ethniques, raciales ou culturelles, car seuls les Etats démocratiques sont à même de garantir les droits des minorités. L’Internationale Socialiste rejette l’idée selon laquelle la violence émanant de ces différences est endémique et que ces types de conflits sont donc impossibles à résoudre. Lorsque l’ethnie est un facteur, les différents camps l’exploitent souvent à des fins militaires ou politiques, jouant sur les peurs des citoyens et sur leurs souvenirs des violences passées.

Ceci souligne encore à quel point il est important de garantir les droits des minorités dans le cadre de tout effort pour encourager la paix. Comme nous l’avons déclaré dans la Déclaration de Principes de l’Internationale Socialiste en 1951 : ´ La démocratie implique un gouvernement temporairement légitimé par la majorité, pourvu que les droits humains fondamentaux des minorités soient protégés. Certains principes ne peuvent en aucun cas être révoqués par une décision majoritaire, en particulier le respect des droits de la personne, le pluralisme et la tolérance. ª Et comme nous l’avons ensuite indiqué lors du XIXe Congrès de l’Internationale à Berlin en 1992 : ´ Les droits des minorités représentent un principe fondamental des sociétés démocratiques libres. Leur protection est l’un des principes fondamentaux des droits de la personne. ª

1.4 Les conflits, surtout ceux qui mettent en jeu des différences ethniques, religieuses ou culturelles, peuvent être résolus uniquement par le dialogue et la négociation, accompagnés par des accords qui garantissent la démocratie politique et la protection des droits de la personne par la suprématie du droit pour toutes les personnes concernées. Il peut s’agir d’un processus long, avec beaucoup de hauts et de bas, des crises cycliques et des complications inattendues, comme nous l’avons constaté au Moyen-Orient, en Afrique et ailleurs. Mais nous avons également appris qu’avec de la persévérance, de la détermination et de la patience pendant les étapes les plus difficiles, la compréhension peut finalement l’emporter sur la haine, on peut remplacer la ségrégation par la coexistence et trouver une solution paisible à chaque conflit.

1.5 A cause de la complexité croissante de la guerre et des conflits depuis la fin de la Guerre froide, il devient encore plus difficile de prévoir et d’éviter les explosions d’hostilité, ainsi que de gérer les crises lorsqu’elles apparaissent. Mais parallèlement, l’Internationale Socialiste est devenue un mouvement véritablement mondial, l’influence de ses partis membres s’est développée, et les comités régionaux sont de plus en plus actifs sur tous les continents.

Ceci permet à l’Internationale de fonctionner comme un ´ système d’alerte rapide ª car nos partis fournissent à nos comités et à notre Conseil des rapports détaillés sur les dangers qui menacent la paix dans le monde, y compris la détérioration économique et sociale et les défaillances de la gouvernance. Nos comités et notre Conseil fonctionnent alors comme des voies d’alerte et d’information du monde et des agences internationales appropriées de façon opportune.

Notre Internationale continue également à fournir un forum de dialogue au niveau local, régional et international, à la fois au niveau formel et informel, pour aider à désamorcer les situations tendues avant qu’elles n’empirent ou qu’elles ne deviennent incontrôlables. Nous sommes également bien placés pour réaliser des missions et autres initiatives concrètes soulignant notre solidarité avec les peuples en quête de paix.

2. Pour rendre notre travail pour la paix encore plus efficace, nous devrions chercher à développer et perfectionner nos structures afin de mieux comprendre la nature des conflits dans le monde d’aujourd’hui en évolution. Tous les conflits, en fin de compte, devraient être traités individuellement, car chacun est issu d’un ensemble de facteurs uniques et de causes sous-jacentes. Cependant, différents conflits présentent des caractéristiques similaires, notamment depuis les dix dernières années, et l’on peut détecter certaines tendances.

2.1 D’après l’expérience et les rapports de nos partis membres et comités, ainsi que les analyses et les études d’organisations non gouvernementales, institutions universitaires et agences internationales qui surveillent les conflits armés, on voit que la tendance la plus significative depuis la fin de la Guerre froide est l’augmentation du nombre de conflits internes (dont beaucoup sont liés à des tensions ethniques, religieuses et culturelles) accompagnée par un déclin simultané des conflits externes.

2.2 Les conflits entre Etats couvrent, par exemple, l’invasion du Koweït par l’Irak en 1990, et la guerre 1980-1988 entre l’Irak et l’Iran. Ces conflits à grande échelle ont récemment été l’exception, car les conflits entre Etats prennent actuellement plus souvent la forme de conflits et accrochages frontaliers à plus petite échelle.

2.3 Les conflits internes, par contre, prolifèrent depuis les années 80 et représentent aujourd’hui plus de 90 pour cent des conflits dans le monde. Ces conflits sont plus compliqués car leurs causes sont plus diverses et souvent se recoupent. Selon certaines études, près de la moitié des conflits internes sont provoqués principalement par des différences ethniques, religieuses et culturelles, souvent exacerbées par les mesures répressives de régimes non démocratiques.

D’autres conflits internes sont essentiellement politico-militaires, prenant la forme de guerres civiles pour s’emparer du pouvoir national et/ou pour changer le type de régime. Ces conflits peuvent être déclenchés par une corruption excessive du gouvernement, le déraillement des transitions démocratiques, une profonde crise socio-économique ou une combinaison de ces facteurs. L’ethnie peut également être un facteur contribuant, bien que secondaire.

Parallèlement, les conflits internes peuvent se propager au-delà des frontières nationales et provoquer des conflits externes qui empièteront ensuite avec les conflits internes, augmentant encore la complexité de la situation, créant des conflits multiples dans certains pays et rendant les efforts de paix encore plus difficiles.

2.4 Comme nous l’avons affirmé à maintes reprises, y compris au XXe Congrès de l’Internationale au siège des Nations Unies à New York en 1996, nous reconnaissons et soutenons totalement l’ONU comme principale institution pour la promotion et le maintien de la paix dans le monde. Nous soutenons également le rôle des organisations régionales et sous-régionales dans ces efforts.

Parallèlement, nous reconnaissons que les conflits internes représentent un défi particulièrement difficile pour les organisations internationales. L’ONU et d’autres organisations respectent les principes de souveraineté et de non ingérence dans les affaires internes des Etats. Les conflits internes cependant violent systématiquement les droits de la personne, allant même jusqu’à la purification ethnique et au génocide, les principales victimes étant les groupes minoritaires et les civils en général, notamment les femmes et les enfants. Il est difficile pour les organisations internationales de trouver le bon équilibre entre souveraineté et nécessité d’intervention. Mais on ne devrait pas tolérer que les régimes non démocratiques se cachent derrière le principe de la non ingérence, et la souveraineté ne devrait pas remplacer le devoir moral de secourir et de protéger les faibles.

3. On peut également classer les conflits selon leur intensité. Un certain nombre de méthodes ont été créées par divers chercheurs universitaires et institutions de recherche. L’une des plus utiles a été créée par le Programme de recherche interdisciplinaire sur les causes des violations des droits de la personne (PIOOM), à l’Université de Leiden aux Pays-Bas. Le PIOOM, dont l’étude est d’envergure mondiale, classe les conflits externes et internes dans les catégories suivantes :

Haute intensité — défini comme des combats organisés entre groupes ou pays provoquant un grand nombre de victimes - plus de 1 000 victimes par an — et des migrations importantes de la population.

Faible intensité — caractérisé par des combats armés entre factions, une insurrection contre le régime et/ou la répression du régime, avec un nombre total de victimes par an entre 100 et 1 000.

PIOOM utilise également une troisième catégorie:

Conflits politiques violents — fait référence aux situations dans lesquelles les gouvernements et/ou groupes utilisent des tactiques violentes à des fins politiques mais à moins grande échelle que dans les scénarios de Faible intensité, faisant 100 victimes ou moins par an.

3.1 On trouvera ci-dessous une brève analyse, par région, des conflits dans le monde à l’heure actuelle. Cette analyse est tirée de la dernière étude PIOOM, qui couvre les développements jusqu’au milieu de 2000, ainsi que d’autres études et évaluations, notamment un récent rapport de l’UNICEF sur l’impact des conflits sur les enfants dans le monde, diverses sources médiatiques et des rapports par des partis membres de l’IS. Cette analyse ne peut être considérée comme définitive ou exhaustive mais est conçue pour fournir une structure permettant à notre Internationale d’améliorer ses capacités pour suivre, actualiser, analyser et réagir de manière efficace face aux situations de conflit.

4. L’Afrique:

4.1 Le seul conflit purement externe sur le continent africain depuis quelques années est la guerre de 1998-2000 entre l’Éthiopie et l’Érythrée, provoquée par des différends frontaliers et économiques. Il s’agissait d’un conflit de haute intensité, dans lequel des dizaines de milliers de soldats ont trouvé la mort avant le cessez-le-feu encore relativement fragile signé en 2000.

4.2 Parallèlement, de nombreux pays d’Afrique sont touchés par des conflits internes, et les civils sont souvent les principales victimes. Il existe également un certain nombre de sous-régions dans lesquelles les conflits internes se sont propagés et/ou ont provoqué la participation de pays voisins.

L’un des cas les plus complexes est celui de la région des Grands Lacs, où on estime que 60 000 soldats de la République Démocratique du Congo, soutenus par 20 000 autres venus du Zimbabwe, d’Angola et de Namibie, se battent contre 30 000 soldats du Rwanda, 6 000 soldats d’Ouganda et des dizaines de milliers d’insurgés soutenus par le Rwanda et l’Ouganda dans un conflit de haute intensité qui a fait un nombre de victimes que l’on estime à trois millions, principalement des civils. Des accords et des échéanciers ont été signés, et l’ONU a envoyé une mission d’observation, mais il n’existe pas encore de mécanisme d’application de la paix.

4.3 Les conflits internes et externes de haute intensité se chevauchent également en Afrique occidentale où les conflits internes, d’abord au Libéria, puis en Sierra Leone avec la participation du Libéria, ont terrorisé les populations civiles et se sont répandus au pays voisin, la Guinée, qui est maintenant impliquée dans une guerre frontalière avec le Libéria, qui s’intensifie, et avec les guérillas de Sierra Leone soutenues par le Libéria. L’ONU a mis en place des sanctions contre le Libéria et a envoyé des casques bleus à Sierra Leone, mais un cessez-le-feu convenu en Sierra Leone n’a pas encore été consolidé.

4.4 Les conflits internes sous forme de guerre civile se poursuivent dans un certain nombre de pays d’Afrique. En Angola, par exemple, le conflit qui dure depuis plusieurs décennies est principalement politico-militaire, l’ethnie étant un facteur secondaire. Il reste généralement un conflit de haute intensité, et une série d’accords de paix soutenus par la communauté internationale n’ont pas réussi à tenir.

La guerre civile de haute intensité qui continue au Burundi provient de l’animosité entre la minorité Tutsi au pouvoir et la majorité Hutu. Il s’agit de la même configuration ethnique que dans le pays voisin, le Rwanda, où des extrémistes Hutu ont massacré des Tutsis lors du génocide de 1994. Le Rwanda essaie toujours de se relever de cet épisode sanglant.

Dans la guerre civile, qui dure depuis près de vingt ans au Soudan, l’Armée de Libération Populaire Soudanaise continue à lutter pour obtenir une plus grande autonomie pour la population principalement animiste et chrétienne dans le sud par rapport au gouvernement islamique de Khartoum au nord. Ce conflit de haute intensité à provoqué la mort d’un nombre estimé de 2 millions de personnes et le déplacement de quatre millions d’autres. Une série de négociations de paix organisée par les Etats d’Afrique orientale a eu peu de succès.

4.5 On estime que le conflit de haute intensité en Algérie, mettant en jeu une insurrection islamiste cherchant à renverser un régime soutenu par l’armée, et la répression sévère par les forces de sécurité du gouvernement, a fait 100 000 victimes en neuf ans. La situation a récemment été encore compliquée par de violentes manifestions dans les régions berbères du pays, qui ont incité le gouvernement à prendre des mesures répressives.

En Somalie, le premier gouvernement central depuis dix ans lutte pour sa légitimité et pour exercer son autorité, dans un contexte de combats de factions dans une société extrêmement fragmentée et l’on s’inquiète que le pays replonge dans la violence anarchique de haute intensité qui y régnait au début des années 90.

En ce qui concerne le Maroc et le Sahara occidental, le cessez-le-feu négocié par l’ONU en 1991 continue à tenir, alors que la possibilité d’un référendum organisé par l’ONU sur l’autodétermination reste incertaine.

4.6 Les conflits de faible intensité sont nombreux en Afrique. Trop nombreux pour être mentionnés en détail ici. Plusieurs d’entre eux mettent en jeu des mouvements séparatistes armés dans des pays divisés sur le plan ethnique. Le Nigeria par exemple, a traditionnellement été un champs de bataille pour de tels conflits, mais la transition, en cours, vers la démocratie dans ce pays représente la meilleure chance depuis des décennies pour l’établissement d’une paix relative entre les divers groupes qui composent la société nigériane complexe.

4.7 Il y a également de nombreux pays d’Afrique où les conflits politiques violents sont évidents, mais juste en dessous du seuil de faible intensité. Cependant, un pays où la violence augmente rapidement est le Zimbabwe, où les alliés armés du gouvernement continuent à attaquer les exploitations agricoles, les entreprises et toutes les personnes suspectées de soutenir l’opposition politique.

5. L’Asie et le Pacifique:

5.1 En Asie et dans le Pacifique, les conflits violents sont principalement de nature interne. Certains pays, comme l’Inde et l’Indonésie, sont touchés par plusieurs conflits, de haute et de faible intensité, qui sont souvent liés à des différences ethniques et religieuses.

5.2 L’Inde a montré qu’elle était mieux équipée pour lutter contre ces violences et les contenir, grâce à la relative solidité de ses institutions démocratiques. L’exception à cette règle est à Jammu et au Cachemire, le seul Etat majoritairement musulman du pays, où la plupart de la douzaine de guérillas musulmanes qui luttent contre le gouvernement indien ont récemment rejeté un cessez-le-feu proposé par l’Inde. Plus de 30 000 personnes ont trouvé mort depuis l’irruption de ce conflit de haute intensité en 1990.

Le conflit Jammu-Cachemire est compliqué par des accusations contre le Pakistan, qui soutiendrait les séparatistes musulmans, attisant la rivalité entre l’Inde et le Pakistan, rendue encore plus dangereuse par les capacités nucléaires des deux pays. Le Pakistan, quant à lui, toujours dirigé par un gouvernement autoritaire, continue à souffrir de plusieurs conflits ethniques et religieux internes.

5.3 Plusieurs sections de la frontière entre l’Inde et le Bangladesh sont disputées depuis la fondation du Bangladesh en 1971. Les tensions se sont récemment transformées en violence dans l’Etat indien d’Assam, où la majorité hindoue réagit contre une migration à grande échelle de musulmans venus du Bangladesh, et où un accrochage entre les gardes frontaliers indiens et bangladais fit seize victimes parmi les soldats indiens. Les deux pays, généralement en bons termes, ont créé un comité de prévention d’autres violences et pour résoudre le problème frontalier.

5.4 L’Indonésie, où la transition vers la démocratie reste extrêmement fragile après plusieurs décennies de dictature, semble moins à même de résoudre les nombreux conflits ethniques qui ont éclaté dans ses frontières. La longue lutte à Aceh, par exemple, semble se transformer en conflit de haute intensité entre les séparatistes et les forces de sécurité du gouvernement, les civils étant les principales victimes. Le conflit d’Aceh semble à son tour intensifier la violence ethnique et séparatiste dans d’autres régions d’Indonésie, y compris à Bornéo et dans la partie indonésienne de l’île de Nouvelle-Guinée.

5.5 Au Timor-Oriental, la date de l’indépendance totale de l’Indonésie se rapproche, mais on estime que 50 000 personnes du Timor oriental se trouvent encore dans les camps contrôlés par les milices liées à l’armée indonésienne dans le territoire indonésien du Timor occidental, et les combattants des milices continuent à traverser la frontière pour passer au Timor-Oriental et attaquer les casques bleus de l’ONU et les civils.

5.6 Les conflits internes sous forme de guerre civile se poursuivent dans plusieurs pays, notamment le conflit de haute intensité au Sri Lanka, où les guérillas séparatistes Tamil luttent depuis près de vingt ans contre le gouvernement dans ce pays de majorité cingalaise. On estime que 64 000 personnes ont trouvé la mort dans les combats ethniques. De récents efforts de la Norvège ont rapproché quelque peu les deux camps, mais plusieurs questions bloquant les pourparlers de paix, notamment l’exigence des guérillas d’être reconnus légalement, restent sans solution.

Le long conflit civil et de haute intensité en Afghanistan continue entre le mouvement Taliban au pouvoir, composé d’islamistes fondamentalistes, et une alliance d’opposition composée d’Ouzbeks, de Tadjiks et d’autres groupes ethniques dans la partie nord du pays. Les Taliban, d’ethnie Pachtoune, contrôlent environ 95% du territoire national et ont récemment rejeté une proposition de l’ONU pour un cessez-le-feu permettant aux agences d’aide de résoudre la crise humanitaire permanente provoquée par la guerre et la pire sécheresse depuis trente ans.

5.7 Au Népal, une insurrection maoïste semblable au Chemin de Lumière péruvien contrôle désormais cinq des 75 districts du pays, et est active dans 50 autres. Les guérillas du parti communiste népalais, que l’on estime à 5 000 personnes, ont jusqu’à présent épargné la capitale, Katmandou, mais ce conflit de cinq ans a maintenant atteint le niveau de faible intensité et se développe. Les guérillas ont affirmé être ouvertes au dialogue, mais refusent de traiter avec le gouvernement actuel, le sixième depuis 1996, et ont exigé des réunions avec tous les groupes politiques népalais.

Aux Philippines, le mouvement séparatiste musulman Abu Sayyaf continue à opérer sur l’île de Jolo, où il s’est fait remarquer principalement en kidnappant des étrangers. Le gouvernement philippin a récemment repris les opérations militaires contre le groupe Sayyaf, mais a entamé des pourparlers de paix avec un autre groupe séparatiste musulman, le Front de Libération Islamique Moro

En Papouasie Nouvelle-Guinée, les principales forces dans une guerre de sécession qui dure depuis dix ans ont récemment accepté de déposer leurs armes au cours d’un processus surveillé par l’ONU, ouvrant la voie à des négociations officielles sur l’autonomie entre le gouvernement et les séparatistes de l’île de Bougainville. Le conflit a fait des milliers de victimes et les différents camps continuent à éprouver une grande méfiance les uns vis-à-vis des autres.

5.8 Dans un certain nombre de pays de la région, des conflits politiques violents sont évidents, mais en-dessous du seuil de faible intensité. A Fidji par exemple, les tensions entre les Fidjiens indigènes et les Fidjiens d’origine est-indienne restent grandes suite au coup d’Etat violent l’an dernier contre le gouvernement de coalition indo-fidjienne. De nombreux auteurs de crimes violents en rapport avec le coup d’Etat n’ont pas été traduits en justice et les perspectives du retour d’un gouvernement démocratique et constitutionnel restent incertaines.

Au Bangladesh, les forces politiques d’opposition ont organisé près de 90 jours de grève nationale au cours des cinq dernières années, entraînant la mort de cinquante personnes au moins et faisant des centaines de blessés au cours des violences en rapport avec les grèves. Récemment, le principal groupe d’opposition a déclaré qu’il n’organiserait pas de grèves pendant la campagne qui précèdera les élections générales en octobre 2001.

5.9 Les tensions se sont récemment accrues le long de la frontière entre la Thaïlande et la Birmanie. Depuis des années, les affrontements entre les forces du régime militaire birman et les groupes séparatistes ethniques débordent en Thaïlande, et maintenant des milices ethniques pro-birmanes auraient traversé la frontière pour attaquer des civils et les forces de sécurité thaïlandaises. Ce conflit est aggravé par la présence du Triangle d’Or, à l’intersection de la Thaïlande de la Birmanie et du Laos, grand centre de production d’héroïne dans le monde.

6. L’Europe:

6.1 Depuis une dizaine d’années, la région des Balkans a connu une série de conflits de haute et de faible intensité, qui ont terriblement touché des centaines de milliers de personnes en Bosnie et au Kosovo. La communauté internationale a apporté un minimum de stabilité, mais la paix entre les différents groupes ethniques dépend de la poursuite du soutien international et du succès de la transition démocratique en Serbie.

Parallèlement, un conflit a éclaté en Macédoine où une insurrection ethnique albanaise s’est heurtée aux forces de sécurité à prédominance slave. Les revendications de la minorité albanaise en Macédoine ont attisé ce conflit d’intensité encore faible, et la capacité du gouvernement à les aborder de manière démocratique jouera pour beaucoup dans les chances de paix.

6.2 En Russie, plusieurs situations conflictuelles continuent d’exister, la plus grave étant le conflit de haute intensité en Tchétchénie, région dominée par les musulmans, qui déclara son indépendance en 1991. Les forces russes se retirèrent après la guerre de 1994-96 mais sont revenues en 1999 pour lutter contre les guérillas tchétchènes, provoquant la mort d’environ trois mille soldats russes et de milliers de tchétchènes. Le contrôle du territoire par la Russie reste fragile, les deux camps semblent intransigeants et une solution pacifique semble peu probable.

Des violences sporadiques continuent en Géorgie, mais à petite échelle. Plus récemment, les séparatistes ont été actifs en Ossète sud, région séparatiste près de la région russe séparatiste de Tchétchénie, dont le conflit s’étend de temps à autre en Géorgie.

6.3 Sous la pression nationale et internationale, les gouvernements d’Arménie et d’Azerbaïdjan semblent s’être rapprochés d’un accord de paix qui mettrait fin au conflit de 13 ans concernant Nagorno-Karabakh, région majoritairement arménienne en Azerbaïdjan. Après près de 30 000 morts, une trêve a été signée en 1994 et a été largement respectée grâce à une longue série de négociations organisées par les Etats-Unis, la France et la Russie. Des douzaines de personnes continuent cependant à trouver la mort chaque année, dans des accrochages à la frontière, et les négociations de paix restent fragiles.

6.4 Une trêve difficile tient depuis trois ans en Irlande du Nord depuis que l’Armée Républicaine Irlandaise (IRA) déclara qu’elle mettait fin à une lutte violente de trente ans contre le gouvernement britannique. Mais le cessez-le-feu a été rejeté par le Real IRA, groupe dissident qui a poursuivi une campagne d’attentats en Irlande du Nord et, plus récemment, à Londres.

En Espagne, le groupe séparatiste basque ETA a été rendu responsable de plus de trente morts depuis qu’il mit fin à un cessez-le-feu en décembre 1999 et qu’il réitéra ses revendications pour la création d’un Etat autonome dans le nord de l’Espagne et le sud-ouest de la France. Des groupes basques modérés ont proposé des négociations entre tous partis, similaires à celles d’Irlande du Nord afin de mettre fin à la violence.

7. L’Amérique latine et la Caraïbe:

7.1 Le seul conflit de haute intensité en Amérique latine et dans la Caraïbe se trouve en Colombie. Il s’agit d’une lutte interne pour le contrôle territorial, politique, social et économique, qui met en jeu deux guérillas de gauche et une organisation paramilitaire de droite liée à l’armée colombienne. Les civils continuent d’être les principales victimes. Le conflit est exacerbé par le rôle de la Colombie comme centre important de production et de trafic de drogue. Les négociations de paix entre le gouvernement et les guérillas n’ont pas été fructueuses et le conflit menace de s’aggraver et de s’étendre aux pays voisins.

7.2 Au Mexique, le cessez-le-feu dans le conflit de faible intensité entre le groupe zapatiste indigène de Chiapas tient depuis 1994, mais les tensions ont monté suite au récent échec des négociations entre les zapatistes et le gouvernement du président Vicente Fox. Des affrontements occasionnels entre groupes qui soutiennent les zapatistes et les forces de sécurité mexicaines continuent dans les Etats mexicains voisins de Guerrero et Oaxaca.

Au Pérou, les vestiges des guérillas maoïstes du ´ Chemin de Lumière ª continuent leurs actions armées sporadiques, mais à un niveau qui n’atteint certainement pas celui d’un conflit de faible intensité.

7.3 Des conflits politiques violents, mais en-dessous du seuil de faible intensité, sont également évidents à Haïti où les institutions restent faibles ou disfonctionnelles ; au Guatemala et en Équateur où la situation de grandes populations indigènes reste un sujet de tension et en Guyane où des institutions démocratiques fragiles continuent à être mises à l’épreuve dans une société très divisée entre les personnes d’origine est-indienne et celles d’origine africaine.

7.4 Le dernier conflit externe en Amérique latine ou en Caraïbe était la brève guerre frontalière de 1995 entre le Pérou et l’Équateur à propos d’une partie disputée du bassin fluvial de l’Amazone. Des conflits frontaliers entre le Guatemala et Belize, entre le Venezuela et la Guyane et enfin, plus récemment, entre le Nicaragua et Honduras, se poursuivent à des niveaux relativement faibles.

8. Le Moyen-Orient:

8.1 Le Moyen-Orient reste l’une des questions les plus épineuses et les plus compliquées des cinquante dernières années. La récente détérioration des relations entre Israël et l’Autorité Palestinienne, suivie par le passage de nouveaux seuils de violence, souligne la nature cyclique de ce conflit, qui met en jeu la recherche du contrôle politique, territorial et économique et est compliquée par des différences religieuses et culturelles. Les expériences précédentes suggèrent que les négociations finiront par reprendre, mais la chance d’obtenir une paix durable reste, au mieux, mince.

8.2 Aucune paix réelle et durable ne sera réalisable dans cette région tant que l’on n’aura pas résolu la question du peuple Kurde, qui exige des réformes démocratiques profondes de la part des gouvernements concernés, afin de fournir une base pour des solutions négociées qui garantiront les droits des Kurdes dans les pays où ils résident.

 



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