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Présidium de l’IS à l’ONU à New York

Présidium de l’IS : Le chemin en avant sur le changement climatique et la maîtrise de la crise financière

23 septembre 2009

 

 LA CRISE FINANCIERE GLOBALE ET LE SOMMET G20 DE PITTSBURGH
 
1.       Que le monde ait évité une “désintégration” comme certains l’ont craint voici un an ne signifie pas qu’il reprendra rapidement le chemin d’une robuste croissance ni que nous ayons traité de façon adéquate les problèmes qui sous-tendent et ont déclenché la crise. La remise en selle (réhabilitation) du système financier est certes une condition nécessaire – mais insuffisante – à la reprise d’une croissance qui reste en outre confrontée, bien sûr, aux problèmes couvant depuis longtemps et liés à la fois au changement climatique et à l’inégalité.
 
2.       Une situation caractérisée par une offre excédentaire à l’échelle mondiale se traduisant par des taux de chômage élevés et une trop grande capacité de production alors même que d’immenses besoins ne sont pas satisfaits au niveau mondial devrait être considérée comme inacceptable. 
 
3.       L’incertitude demeure considérable quant à l’évolution de la crise. D’autres événements calamiteux peuvent survenir comme la faillite d’une grande institution financière, par exemple. Les saisies continuent aux Etats-Unis et l’immobilier commercial est truffé de problèmes latents de grande gravité. Les incertitudes planant sur l’Europe de l’Est n’ont pas été entièrement dissipées. 
 
4.       Dans certains cas, le plein impact de la crise a été passé sous silence tandis que les entreprises, les ménages et les pays ont puisé dans leurs réserves (leur épargne). Plus la baisse durera, plus les réserves diminueront et plus le système économique se fragilisera et deviendra moins capable de supporter une autre secousse, même de moindre intensité.
 
5.       La suppression des programmes d’incitation aura un effet intrinsèque négatif sur la croissance. Si ce retrait intervient avant le redémarrage effectif de la croissance, le redressement économique pourrait être compromis au cas où le retour à la normale prendrait davantage de temps.  Un autre impact sera celui de l’endettement croissant des pays qui incitera les gouvernements à réduire leurs programmes. Les pays fortement endettés par rapport à leurs PIB au début de la crise pourraient se trouver dans une situation particulièrement difficile ainsi que ceux dotés de programmes de renflouement bancaire mal conçus associés à des coûts budgétaires élevés et étagés sur le long terme.
 
6.       Il importe que les gouvernements ne tombent pas dans un tel fétichisme du déficit. Ce sont les bilans qui comptent dans un pays; si le passif augmente mais qu’en même temps les actifs s’accroissent, le pays pourrait être en meilleure position pour relever de futurs défis. Loin de réduire les dépenses, il s’agit donc de redoubler d’efforts pour veiller à ce que l’argent soit bien dépensé, en particulier dans des investissements à forte rentabilité. 
 
7.       Même après la reprise de la croissance, il est probable que le chômage (aussi bien le chômage visible que le chômage déguisé) persistera et qu’il faudra donc continuer à aider les chômeurs et d’autres innocentes victimes de la crise, notamment les petites entreprises qui sont nombreuses à éprouver des difficultés d’accès au capital.
 
 
Reprise
 
8.       Ecart de croissance. Aux Etats-Unis avant la crise, la croissance mondiale s’appuyait sur une consommation financée par la dette. Ce modèle de croissance a maintenant été battu en brèche. A présent, l’épargne est en hausse notable aux Etats-Unis et il y a tout lieu de penser qu’elle restera à un haut niveau. Cela équivaut à un déficit de la demande globale qui persistera même lorsque les banques auront été complètement renflouées.
 
9.       Problèmes sous-jacents à l’insuffisance de la demande globale.   Les problèmes sous-jacents contribuant à l’insuffisance de la demande globale comme l’augmentation de l’inégalité dans la plupart des pays du monde et l’accumulation de réserves dans les pays en développement n’ont guère été traités.
 
10.   Système de réserve global. C’est l’une des raisons pour lesquelles un nouveau système global de réserve est devenu une priorité absolue. Le monde s’apprête probablement à abandonner le système de réserve actuellement en vigueur basé sur le dollar, en particulier parce que le dollar n’est plus considéré que comme une médiocre réserve de valeur: le rendement en est faible et les risques sont élevés. Mais à moins que la communauté internationale œuvre de concert pour créer un nouveau système de réserve mondial, la tendance à s’éloigner d’un système de réserve basé sur le dollar pourrait contribuer à l’instabilité dans le monde.
 
11.   Les pays en développement continuent à avoir besoin d’aide. Ils n’ont pas les ressources suffisantes pour surmonter effectivement la crise. S’il convient de féliciter le G20 de ses efforts de financement supplémentaires, deux problèmes persistent cependant: celui de l’acheminement des décaissements grâce à la mise en place de toute une série de voies de transmission dont celles qui pourraient bénéficier de la plus grande confiance des pays emprunteurs  et , – celui du financement qui devrait être davantage accordé sous forme de subventions. Les pays en développement ne veulent plus se faire piéger par l’endettement.
 
12.   Nouvel instrument de crédit. Tous les arrangements actuels comportent des lacunes, aussi bien du point de vue des emprunteurs potentiels que des pays pouvant mettre leurs fonds excédentaires à la disposition de ces emprunteurs. Un nouvel instrument de crédit pourrait être rapidement mis en place et doté d’un personnel qui serait détaché d’institutions existantes. Fondé sur une structure de gouvernance du 21e siècle et sur une politique de transparence n’imposant pas de conditionnalités pro-cycliques contre-productives, un tel instrument pourrait bénéficier de l’appui des pays emprunteurs comme des pays disposés à accorder des crédits.
 
13.   Politiques protectionnistes, «d’appauvrissement du voisin» (Beggar-thy-neighbor policies). Malgré les déclarations des dirigeants du monde à la réunion du G20 selon lesquelles ils ne prendraient pas de mesures protectionnistes, nous notons avec inquiétude que de nombreux pays l’ont déjà fait, en procédant souvent de façon discriminatoire contre les pays en développement. Nous devons cependant reconnaître qu’en l’absence de telles déclarations et qu’en l’absence du “règne du droit” proclamé par l’OMC, la situation de fait aurait presque à coup sûr été bien pire.
 
 
Prévention de la crise et restructuration économique
 
14.    En même temps qu’ils œuvrent pour maintenir leurs économies à flot, les pays devraient réfléchir au modèle économique qu’ils souhaitent voir émerger après la crise. Cette crise n’a pas été un simple “accident,” comme une inondation ne se produisant qu’une fois en un siècle. Elle est l’œuvre de l’homme, le résultat de politiques poursuivies dans un certain nombre de pays industriellement avancés. Les programmes de redressement devraient servir à restructurer les économies en fonction des changements survenus en matière d’avantages comparatifs et de technologie sur le plan mondial. Dans certains pays, malheureusement, de grandes sommes d’argent ont été dépensées pour préserver le statu quo. Cela est présage de problèmes à l’avenir.
 
15.   Il y a lieu de s’inquiéter tout particulièrement des conséquences du renflouement des banques qui a déjà pu aboutir à des systèmes bancaires moins compétitifs, plus concentrés et caractérisés par une diminution relative de la part du secteur bancaire réservé aux investissements destinés aux petites et moyennes entreprises. Dans certains pays, les difficultés de nombreuses institutions – trop grosses pour les laisser faire faillite, trop complexes pour résoudre et dénouer les problèmes, trop énormes pour être administrées ou encore pour être renflouées – se sont aggravées. En outre, les opérations de renflouement ont augmenté la prise de risques éthiques, en particulier dans le cas des institutions qui étaient trop grosses pour les laisser faire faillite ou dont les problèmes étaient trop complexes et trop imbriqués les uns dans les autres pour être résolus.
 
16.   Les subventions implicitement et explicitement accordées à ces institutions ont faussé l’échiquier économique créant une dynamique malsaine qui a favorisé ces mêmes institutions au détriment d’institutions plus petites qui ne représentent pas une si grande menace pour la stabilité de l’économie. Il est indispensable que les gouvernements prennent des mesures pour limiter ces distorsions en empêchant l’expansion de ces institutions, en limitant leur prise de risques, en imposant des restrictions sur les produits qui mènent à l’imbrication et/ou en imposant des taxes directes ou indirectes suffisamment élevées, par exemple à travers des taux d’endettement substantiellement plus élevés et des primes d’assurance-dépôts plus importantes. En outre, ces grandes institutions ont en place des plans qu’elles divulguent aux régulateurs pour rendre compte sans avoir besoin de recourir à l’aide du gouvernement ni pour elles-mêmes ni pour d’autres intervenants du marché, ces plans devant être régulièrement actualisés. Il n’existe guère d’indices laissant entrevoir que des économies d’échelle ou de portée aient pu être réalisées alors que nombreux sont les indices qui font apparaître les externalités largement négatives que ces institutions ont entraîné pour d’autres intervenants. 
 
17.   Le secteur financier s’est démesurément enflé, devenant un moyen pour atteindre une fin et non une fin en soi. Malgré sa taille, il n’a pas réussi à bien remplir sa fonction essentielle consistant à répartir les capitaux et à gérer les risques. La restructuration de l’économie devrait comporter un volet financier de façon à stimuler et renforcer la part de ce secteur consacrée à l’aide apportée aux entreprises nouvellement établies (capital-risque) et aux petites et moyennes entreprises. 
 
18.   Un consensus en voie d’émergence concerne la nécessité d’un système de régulation meilleur que celui d’avant la crise et comportant davantage de règles – ainsi q’une meilleure application des règles en vigueur;  il ne faut cependant pas oublier que des déclarations de principe, même largement acceptées, ne suffiront probablement pas. Des actions visant à encourager des produits dérivés transparents et commercialisés en bourse sont donc recommandées mais les propositions tendant à laisser se poursuivre les échanges hors cote sans divulguer entièrement les transactions individuelles réalisées (nécessaires pour évaluer la nature du risque de contrepartie) sont préoccupantes même si ces échanges sont assortis de conditions imposant des marges plus larges. Si ces marges ne sont pas suffisantes, les échanges hors cote ne seraient pas freinés et pourraient alors se poursuivre dans des conditions encore moins transparentes et présenter de grands risques systémiques. 
 
19.   Mesurées à la même aune, les actions visant à accroître la transparence sont importantes mais insuffisantes si elles restent isolées. Connaître l’adresse d’une institution financière pouvant entraîner un risque systémique pour l’économie mondiale est une démarche qui va dans le bon sens mais doit être accompagnée de mesures qui empêchent cette institution d’être porteuse de risques systémiques.
 
20.   De même, il importe que les gouvernements disposent de moyens de “résolution” renforcés. Si, toutefois, les modèles économiques sous-jacents n’étaient pas changés, les gouvernements pourraient être amenés à faire ce qu’ils ont fait lors de cette crise — renflouer les porteurs d’actions et d’obligations, au motif allégué que ne pas le faire entraînerait des coûts élevés pour l’économie. 
 
21.   Il ne fait guère de doute que les distorsions des structures de motivation ont contribué à la crise. La coopération internationale est indispensable pour imposer des limites à  cette structure (en veillant à ce que les incitations ciblent une rentabilité à long terme et en prévoyant des dispositions de récupération adéquates), notamment dans le cas des institutions susceptibles d’entraîner un risque systémique pour l’économie.
 
22.   Les pays devraient envisager d’adopter des structures de motivation incitant à de meilleurs systèmes de compensation, par exemple en tolérant une moindre adéquation de fonds propres pour les banques ayant mis en place de tels systèmes et en effectuant des transferts de transactions et de dépôts du gouvernement vers ce type d’institutions financières.
 
23.   Commission de garantie des produits financiers. Les produits créés par le système financier ont pu abuser des personnes mal informées qui ont ensuite été tenues de supporter des risques bien supérieurs à leurs moyens. Les pays devraient envisager de créer une commission de garantie des produits financiers afin de déterminer le degré de sécurité, d’efficacité et de pertinence des différents produits commercialisés par le secteur financier. 
 
24.   Marché hypothécaire . L’échec du marché hypothécaire plaide en faveur d’un rôle plus actif du gouvernement dans ce domaine aussi bien pour limiter le nombre de produits actuellement vendus sur ce marché que pour créer de nouveaux produits permettant d’aboutir à un marché intérieur plus stable (comme, par exemple, les titres hypothécaires danois).
 
25.   Un système électronique de paiements pour le 21e siècle.  La technologie moderne a permis de mettre en place un système de paiements électronique efficace mais, dans de nombreux pays, le système financier a eu recours à des pratiques anti-concurrentielles pour tirer d’immenses profits de son contrôle sur le mécanisme des paiements. De telles pratiques devraient être interdites et des actions engagées pour créer un système électronique de paiements qui soit à la fois global, moderne et efficace.
 
26.   Secret bancaire. Il ne semble pas que les fonds spéculatifs ou les transactions effectuées dans des centres bancaires offshore aient joué un rôle central dans cette crise. Néanmoins, l’évasion fiscale, la corruption et les activités illégales liées aux comptes secrets détenus en banque compromettent le bon fonctionnement des gouvernements et des marchés financiers. Toute conclusion selon laquelle les pays auraient satisfait aux normes et conditions requises en la matière tend à indiquer que le niveau d’imposition de ces normes et conditions pourrait être trop faible. Il est nécessaire de prévoir des dispositions instaurant l’échange automatique d’informations. Si la question de l’évasion fiscale peut intéresser plus particulièrement un grand nombre de pays développés, celle de la corruption est plus préoccupante pour de nombreux pays en développement. Des abris sûrs pour des fonds provenant de la corruption ne sont pas seulement offerts par des centres offshore mais aussi par des banques établies sur le territoire national. Reste aussi la préoccupation constante du rapatriement des fonds détournés une fois que le détournement a été découvert.
 
27.   Les problèmes révélés par cette crise s’étendent bien au-delà du secteur financier. Ainsi les difficultés rencontrées en matière de gouvernance des entreprises expliquent en partie les structures de motivation défectueuses. De même, les carences des législations sur la concurrence et les déficiences de leur application nous aident à comprendre à la fois le phénomène de l’expansion d’institutions qui deviennent trop grosses pour les laisser faire faillite(too big to fail) et celui de la capacité du secteur financier à empêcher la création d’un système électronique de paiements efficace. 
 
28.   Il est essentiel d’instaurer une coopération à l’échelle internationale pour fixer les normes nécessaires en matière de réglementation afin d’éviter la course à l’abîme.   Toute institution financière relevant d’une juridiction qui n’aurait pas adopté de normes de réglementation adéquates devrait être frappée d’interdiction de négocier et d’effectuer des transactions avec des institutions financières relevant de juridictions bien réglementées. 
 
29.   Il existe un test-clé pour mesurer l’adéquation des règlements et réformes institutionnelles que l’on se propose de mettre en place;  il consiste à partir de l’hypothèse que ces réformes ont déjà effectivement été adoptées, puis – à se demander si elles auraient permis de prévenir la crise actuelle. Dans ce contexte, il conviendrait aussi de s’inquiéter des propositions visant à déléguer davantage de responsabilités – sans apporter auparavant des changements de structure substantiels – aux institutions de réglementation qui ont clairement échoué dans la fonction qui leur était conférée, à savoir précisément celle de prévenir la crise. 
 
Traiter les séquelles de la crise
 
30.   De nombreux pays se sont fortement endettés pour prévenir toute aggravation de la crise. Il y a lieu de noter que les déficits se seraient creusés même en l’absence de ce type de mesures compensatoires simplement parce que les baisses d’activités entraînent une baisse des recettes fiscales et une augmentation des dépenses. La façon dont les opérations de renflouement ont été conduites dans plusieurs pays a aussi contribué à accroître l’endettement à long terme du pays.
 
31.   S’il est naturel que les gouvernements réagissent à l’augmentation des déficits par une réduction des dépenses,  il est impératif de maintenir en place les services aux pauvres et les investissements de base comme ceux qui sont liés à l’infrastructure, à l’éducation et à la technologie. Procéder de toute autre façon accroîtrait encore les coûts à long terme et imposerait des surcoûts aux innocentes victimes de la crise. Les gouvernements doivent s’abstenir de tomber dans le fétichisme du déficit : ce qui compte, ce sont les bilans des pays et si l’argent public est utilisé dans des investissements à forte rentabilité, l’augmentation du passif pourra être largement compensée par celle des actifs. 
 
32.   Il est aussi impératif de faire supporter les coûts de la crise par le secteur financier.  Agir autrement ne serait ni équitable ni efficace. Les opérations de renflouement répétées sont en fait des subventions accordées au secteur financier; elles contribuent à gonfler un secteur déjà démesurément enflé et font du tort aux programmes d’incitation. 
 
33.   Accroître la progressivité du système d’imposition fiscale n’améliorera pas seulement la justice sociale mais aidera aussi à stabiliser la situation économique —une telle taxation ayant un effet de stabilisation automatique sur l’économie.
 
34.   L’un des enjeux clé à l’avenir sera de formuler une stratégie de sortie.   En l’absence de coordination, le retrait des garanties bancaires pourrait aboutir à une situation instable et entraîner des mouvements de capitaux fluctuant de pays ne délivrant plus de garanties vers les pays qui continuent à les offrir. La réduction des programmes d’incitation aura aussi des effets défavorables sur l’économie en agissant comme un “choc négatif”, des réductions déséquilibrées, soudaines et, surtout, prématurées, pouvant même interrompre le processus de redressement.
 
35.   Avant la crise, les déséquilibres globaux et la possibilité d’aboutir à un dénouement non réglementé de cette situation étaient au centre des préoccupations. Une partie du monde consommait bien plus qu’elle ne produisait tandis  qu’une autre partie faisait exactement l’inverse. L’extrême singularité de ce schéma tenait à ce que le pays qui consommait plus qu’il ne gagnait était doté d’une structure démographique dont on aurait pu attendre qu’elle conduise à des taux d’épargne importants.  Il y a quelques raisons de penser que des ajustements sont en cours ; il se pourrait  cependant qu’ils aggravent les tensions qui s’exercent sur l’économie mondiale à moins que leur réalisation ne soit contrôlée de façon adéquate. Par exemple, il serait justifié que les Etats-Unis réagissent à la crise en augmentant le taux d’épargne et il semble bien que ce soit le cas. Force est de constater toutefois que l’inadéquation de la demande globale persistera à moins que la Chine et les autres pays “excédentaires” n’accroissent notablement leurs dépenses. Il n’y a aucune raison de penser que les deux processus d’ajustement se dérouleront en tandem.
 
36.   L’une des raisons pour lesquelles de nombreux pays en développement ont constitué de très importants excédents est que ces excédents leur servent de garantie pour se prémunir contre la volatilité des marchés mondiaux. Le “filet de sécurité” que leur avait procuré le FMI lors des dernières crises s’est révélé suffisamment insupportable pour que la plupart d’entre eux ne souhaitent plus en dépendre s’ils pouvaient s’en passer. D’autres programmes d’assurance globale pourraient réduire le besoin de réserves mais aucun des programmes proposés jusqu’ici n’est susceptible de rassurer suffisamment les pays en développement. La seule approche prometteuse semble bien être celle qui préconise l’expansion du système de réserve global  évoqué plus haut (et mentionné au chapitre 5 du Rapport de la Commission aux Nations Unies).
 
37.   Les pays riches en pétrole et autres ressources naturelles sont très motivés pour constituer des épargnes à titre de précaution, ce qui compromet aussi la demande globale. Des études récentes indiquent que la spéculation pourrait jouer un rôle dans cette volatilité. Si tel est le cas, l’instauration coordonnée d’une taxe globale sur les plus-values pourrait freiner cette activité spéculative. Il serait néanmoins imprudent de la part de pays dont les revenus sont de nature extrêmement volatile de ne pas constituer d’épargne  de précaution.
 
38.   Quelques pays en développement ont utilisé les politiques des taux de change comme des instruments leur permettant d’encourager des secteurs d’activité naissants, notamment dans l’industrie, afin de promouvoir les exportations et la croissance économique. Ces mesures à large base peuvent présenter des avantages comparées à des politiques plus sectorielles qui, de toutes façons, sont confrontées à des restrictions dans le cadre des disciplines de l’OMC. Le droit au développement doit être reconnu. La question qui se pose est de savoir comment faciliter au mieux ce développement de façon durable. Le modèle d’une croissance pilotée par les exportations a longtemps eu droit de cité. Il est cependant évident que tous les pays ne peuvent pas avoir des exportations l’emportant sur leurs importations et lorsque la somme des déficits égale la somme des excédents, un pays ne peut pas être durablement le seul à avoir recours au “déficit en dernier ressort.”
 
39.   Quelle que soit la raison pour laquelle les pays ont accumulé de grandes réserves monétaires, la création d’un système global de réserve atténuerait les effets négatifs sur la demande globale et contribuerait à la stabilité mondiale.
 
Gouvernance globale
 
40.   Le G20 a pris des engagements importants pour améliorer les institutions (et dispositions y afférentes) en charge de la gestion globale de la mondialisation. Il importe que ces engagements soient respectés et effectivement tenus, par exemple que les directeurs des institutions internationales soient choisis en fonction de leur mérite. Il faut néanmoins reconnaître la lenteur du rythme des réformes qui, pour  celles qui sont à l’ordre du jour, vont certes dans le bon sens mais pourraient ne pas suffire à faire taire les critiques. S’il est souhaitable, par exemple, de donner plus de poids aux droits de vote de la Chine et d’autres marchés émergents, il y a peu de raisons de penser que cela pourrait aboutir à des changements fondamentaux du comportement des institutions financières internationales. Des réformes plus fondamentales comme le vote à la double majorité par exemple devraient être envisagées.
 
41.   Il importe d’étudier d’autres moyens et possibilités de renforcer la responsabilité des institutions internationales. Si des propositions visant à renforcer la “reddition de comptes”  en la portant devant une entité politiquement plus responsable comme un Conseil des ministres des Finances par exemple, semblent aller dans ce sens, il se pourrait cependant que de telles réformes aient l’effet contraire à celui qui est souhaité. En effet, si les ministres des Finances ne se sont pas suffisamment engagés personnellement, cela reviendrait, dans la pratique, à donner plus d’autonomie à la bureaucratie. Rendre compte au Global Economic Coordination Council (Conseil de coordination économique global) ou aux dirigeants du G20 pourrait être utile, au moins dans le cas de certaines décisions-clé comme la portée de la conditionnalité liée au prêt ou le rôle des institutions internationales dans la promotion des biens publics globaux.
 
42.   Il faudrait que les institutions internationales concernées s’engagent au moins à aligner leurs pratiques sur les meilleures pratiques existant en matière de transparence et de gouvernance; cela signifie, par exemple, qu’il leur faudra divulguer entièrement les informations conformément aux dispositions les plus strictes de la législation en vigueur sur la liberté de l’information et instituer des restrictions sur les doubles appartenances (revolving doors). 
 
43.   En un certain nombre d’occasions telles que la détermination des critères requis pour qualifier le secret bancaire, la communauté internationale s’est tournée vers l’OCDE en tant que “groupe de réflexion” indépendant œuvrant au nom de la communauté internationale.  Néanmoins l’OCDE reste une institution des pays industriels avancés. Il sera donc nécessaire de créer une institution internationale analogue englobant les pays développés et les pays en développement. 
 
Conclusions
 
44.   L’agenda économique et politique général décrit ci-dessus doit s’inscrire dans un cadre cohérent conforme à nos valeurs et principes de base qui mettent l’accent sur la justice sociale et la solidarité, aussi bien à l’intérieur du territoire national que dans le monde entier. 
 
45.   Nous avons noté que les systèmes financiers constituent un moyen pour atteindre une fin et ne sont pas une fin en soi. C’est cette confusion entre la fin et les moyens qui a aussi contribué à la crise actuelle. Mais l’économie elle-même doit être considérée comme un moyen pour renforcer le bien-être de nos concitoyens.
 
46.   Dans cette optique, il nous faut reconnaître les limites du PIB en tant que mesure du bien-être. Ce que nous mesurons a un impact sur ce que nous faisons. Certains compromis consentis entre le “PIB” et l’environnement pourraient apparaître comme de fausses concessions si nous avions de meilleurs systèmes de mesure. Il convient d’encourager et de multiplier tous les efforts déployés aux niveaux national et international, y compris par la Commission on the Measurement of Economic Performance and Social Progress (Commission internationale sur la mesure de la performance économique et du progrès social) et par l’OCDE, pour améliorer ces systèmes. 
 
47.   Cette crise fera de nombreuses victimes innocentes et il faut redoubler d’efforts pour les protéger et les défendre. Cela s’impose d’autant plus que la reprise du marché du travail (le retour à la normale) devrait être lente à s’effectuer.
 
48.   Le renforcement des stabilisateurs automatiques du marché à travers celui des protections sociales et l’augmentation de la progressivité de la structure d’imposition devrait contribuer à la fois à la stabilité du système économique et à l’instauration d’un plus grand sens de la justice sociale et de la solidarité. 
 
49.   Cette crise a défrayé la chronique et déclenché de nombreuses critiques à l’égard de notre pacte social. Des citoyens ordinaires ont été invités à renflouer des banques prospères qui avaient utilisé une partie de leurs gains pour verser des primes à leurs cadres dirigeants. Il a été demandé aux travailleurs d’accepter une réduction de leurs salaires tandis que les contrats – traités comme sacro-saints – de cadres très bien rémunérés par leurs institutions financières, n’ont pas été touchés. Dans certains cas, les profits des banques ont été basés sur l’exploitation des membres les moins instruits de la société. Dans quelques pays, la croissance s’est fondée sur l’exploitation de l’environnement mais il est manifeste qu’au rythme de l’évolution du climat, le processus de croissance n’est pas durable sur notre planète. La crise qui nous atteint doit être l’occasion pour nous de réfléchir et de rétablir le contrat social qui lie entre eux tous les membres de la société d’aujourd’hui et qui assure le lien entre les pays développés  et  les pays en développement  ainsi  qu’ entre les générations actuelles et les générations futures.

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Version PDF de la Déclaration