Comités de l'IS


Politique Economique, Travail et Ressources Nationales
Casablanca
04-05 mai 2001


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Economie, Cohésion Sociale et Environnement

Comité de l’IS sur l’Economie, la Cohésion Sociale et l’Environnement, Casablanca

04-05 mai 2001

UNE CONTRIBUTION A LA DISCUSSION


Comment faire pour que l'économie mondiale ait un caractère plus social?

Les partis sociaux-démocrates et socialistes de l'Internationale Socialiste se sont engagés pour travailler ensemble afin de rendre l'économie mondiale plus durable - d'un point de vue environnemental autant que social. Pour remplir cette tâche, des réformes structurelles de l'ordre économique international actuel sont nécessaires.


LA MONDIALISATION ET SES CONSEQUENCES

L’ouverture des économies et des marchés a eu des effets positifs. Cependant, la mondialisation non régulée a engendré des coûts économiques et sociaux considérables durant les deux dernières décennies. Le commerce mondial des marchandises, des services et des échanges financiers a connu une croissance rapide. En outre, les inégalités à l’intérieur des sociétés (les sociétés industrialisées aussi bien que celles en développement) se sont accrues. L’inégalité entre les nations riches et pauvres est en croissance constante, atteignant des niveaux jamais vus d'un point de vue historique.

Alors que la théorie économique keynesienne soulignait que l’Etat avait une responsabilité démocratique d’influencer le développement économique, les théories néo-libérales demandaient la séparation de l’économie et de la politique avec l’objectif ultime de garder l’économie hors du contrôle démocratique.

Que peut-on donc faire pour que l'économie mondiale soit à nouveau plus sociale et plus dynamique? Il faut s'attaquer à plusieurs éléments d'une stratégie internationale si l'on veut surmonter le blocage actuel résultant de la mondialisation néo-libérale.


1. REMETTRE LES QUESTIONS DE DEVELOPPEMENT A L'ORDRE DU JOUR

Les politiques de développement ne sont plus à la mode depuis vingt ans. Des stratégies basées sur le marché et mettant l'accent sur l'ouverture aux investissements étrangers des économies en développement et sur le démantèlement des structures étatiques dans les sphères de la production et de l'infrastructure publique, ont dominé le débat. Les résultats ont été bien maigres - surtout dans les pays où l'influence des institutions Bretton Woods a été la plus forte : en Afrique. Si l'on veut rendre l'économie mondiale plus sociale et plus dynamique, il faut à nouveau prendre au sérieux les questions de développement.

1.1 Il faut que l'ordre économique mondial naissant respecte les stratégies de développement: ceci implique une plus grande marge de manœuvre pour protéger les industries naissantes, ainsi qu'une application flexible et généreuse de mesures de traitement spécial au sein du système de l'OMC. La révision des réglementations concernant les TRIM (Mesures en matière d'investissement liées au commerce) et les TRIP (Droits de la propriété intellectuelle liés au commerce), qui est prévue au cours des prochaines négociations de l'OMC, doit se faire de manière à garantir l'utilisation et l'application des instruments économiques déjà utilisés de manière efficace par les économies qui ont émergé avec succès durant les dernières décennies.

1.2 Il faut mettre en place un allègement plus efficace de la dette: il est de plus en plus clair que le service de la dette n'est pas, dans de nombreux cas, compatible avec la formation de capitaux nécessaire à un développement plus rapide (dans la pratique). Il faut s’attaquer à cette question de toute urgence. En liant l’annulation de la dette avec la démocratie et en améliorant les droits civiques et politiques on s’assurerait que cet effort résulte réellement en des politiques accélérant le développement (par exemple le capital physique et humain).

1.3 Il faut encourager et promouvoir la régionalisation. L'intégration économique régionale, à condition qu'elle soit gérée correctement, crée des stratégies de développement favorables et permet une intégration dans le marché mondial plus juste, plus équilibrée et plus efficace, tout en permettant d'éviter certains effets négatifs qui ont marqué les stratégies classiques de développement national au cours des années 60 et 70 (substitution d'importations) - l'absence de concurrence, la surprotection, les marchés étroits et la stagnation technologique, par exemple. On pourra s'inspirer à cet égard du rôle qu'a joué l'intégration économique européenne, au cours des années 60 et 70, permettant l'innovation technologique et la réalisation d'économies importantes, rendant ainsi l'économie européenne plus concurrentielle.

1.4 Il faut diminuer les niveaux efficaces de protection et de subvention des marchés clés par les pays industrialisés. Ceci s'applique particulièrement à l'agriculture. "La liberté des échanges", qui met en concurrence les agriculteurs européens ou nord-américains, subventionnés, avec les paysans du tiers-monde, est extrêmement injuste : en 1995, le transfert moyen par habitant pour chaque agriculteur américain était de 29.000$ - cent fois le revenu annuel d'un producteur de blé aux Philippines.

Un débat en profondeur sur l'avenir du commerce international des produits agricoles entre l'Union européenne, les pays de l'Europe de l'Est et les pays du groupe de CAIRNS est nécessaire. La question est de savoir comment faire pour rendre l'agriculture plus durable et réduire les coûts sociaux du commerce international des produits agricoles, surtout dans le tiers-monde, tout en conservant les conséquences sociales de ces processus dans les pays industrialisés à un niveau acceptable.


2. REGULATION DES MOUVEMENTS MARCHANDS ET FINANCIERS

Les échanges de marchandises, de services et les échanges financiers doivent être intégrés dans un cadre institutionnel. La déréglementation intervenue dans les dix dernières années s'est soldée par une forte augmentation des transactions commerciales et financières à travers le monde. Les conséquences ont été en partie positives, mais aussi négatives. La volatilité et l'instabilité des marchés financiers se sont beaucoup accrues. La délocalisation de la production et les échanges croissants de marchandises et de services ont eu des effets négatifs sur les salaires réels dans les pays industrialisés, affectant particulièrement les travailleurs les moins qualifiés.
Que peut-on faire pour mitiger, au moins partiellement, ces effets ?

2.1 Introduction d'exigences sociales minimales dans le système du commerce mondial: la multiplication des échanges commerciaux nécessite l'établissement de normes minimales en ce qui concerne les conditions de travail fondamentales et les droits des travailleurs. Ces conditions minimales sont décrites dans les "Droits et principes fondamentaux du travail" de l'OIT (ces normes de travail fondamentales font référence à des conventions dans le domaine de la liberté d'association et au droit de négocier collectivement - n° 87 et 98, à l'interdiction du travail forcé - n° 105 - à l'interdiction du travail des enfants - n° 138 - et à l'interdiction de la discrimination en matière d'emploi ou de profession - n° 100 et 111). Le respect de ces conventions doit être garanti par un système de normes sociales. Ce système peut être mis en place par l’intermédiaire:
- d’actions volontaires
- de stimulations positives
- de sanctions

Il faut discuter comment les stimulations positives pourraient être financées et quelles conséquences les sanctions pourraient avoir pour les pays pauvres.

2.2 Renforcement de la réglementation dans le domaine financier: pour réduire le caractère hautement volatile et instable des marchés financiers internationaux, il est essentiel de prendre certaines mesures.

2.2.1 Etant donné qu'une part considérable des mouvements de capitaux dans le monde a un but essentiellement spéculatif, il peut être opportun d’évaluer les mesures ayant pour but d’accroître la stabilité des marchés financiers, comme la taxe Tobin. Un tel système permettrait également de créer de nouveaux revenus qui remplaceraient la taxation traditionnelle des capitaux et des fonds propres, système qui a été fortement compromis par la mondialisation.

2.2.2 Un contrôle efficace des paradis fiscaux et des centres financiers off-shore. Ceux-ci jouent un rôle majeur dans les systèmes internationaux d'évasion fiscale, de blanchiment d'argent et d'opérations financières spéculatives (comme les célèbres "fonds fortement endettés"). Etant donné que ces centres fonctionnent pour la plupart en dehors de la juridiction de l'OCDE, il est possible de les contrôler - à condition que la volonté politique soit là.

2.2.3 Pour les économies en développement ou en phase de transition, le contrôle des capitaux est peut-être encore un élément utile de la politique économique nationale, qui permet un certain contrôle des taux de change et des mouvements de capitaux et d'investissements.


3. REFORME DES INSTITUTIONS

Les institutions internationales jouent toujours un rôle croissant dans la structure de l'économie mondiale. Jusqu'à maintenant, elles ont été au centre de l'intégration des économies mondiales. Ce rôle doit changer: l'objectif est de rendre ces institutions responsables tant au niveau social qu'environnemental, et d’en faire des lieux de discussions ouvertes, y compris la société civile, les partenaires sociaux, surveillés par les parlementaires, et où leurs responsabilités respectives peuvent être assurées.

3.1 FMI et Banque mondiale: il faut réformer les institutions financières internationales (IFI). A cet égard, les principaux éléments de la réforme seraient les suivants:

3.1.1 Augmenter la transparence du fonctionnement des institutions et des prises de décision internes.

3.1.2 Renforcer le rôle du contrôle politique du conseil d'administration et diminuer le pouvoir de la bureaucratie dans ces deux institutions.

3.1.3 Créer d'autres organismes de contrôle.

3.1.4 Freiner l'appareil à un niveau qui permette d'accomplir les principales tâches bien définies des IFI. Le soi-disant "élargissement de la mission" de la Banque mondiale et du FMI au cours des dernières décennies (lié essentiellement aux politiques d'ajustement structurel) doit être changé, car il a trop souvent eu des effets négatifs à tous les niveaux : social, économique et politique.

3.1.5 Limiter le rôle des IFI aux tâches pour lesquelles elles ont été créées à l'origine: le financement du développement (Banque mondiale) et la stabilisation du système de transactions internationales de devises (FMI).

3.1.6 L'intervention du FMI en cas de crise doit se fonder sur le "principe de la stimulation des intérêts privés" et non pas les sous-estimer.


3.2 Réforme de l'OMC: les détails seront établis par un groupe de travail spécifique ; cependant, la participation accrue, prenant en compte les nécessités du développement mondial, le respect des normes écologiques et sociales (une clause concernant les droits des travailleurs) et une affirmation du principe de précaution face à toute nouvelle libéralisation, semblent être des éléments clés à l'ordre du jour de n'importe quelle réforme de l'Organisation mondiale du commerce (OMC).

3.3 Nécessité de renforcement de l'OIT: un élément stratégique à cet égard serait de relier le système d'échange mondial au système de conventions tripartites et aux conventions de l'OIT (clauses sociales liées aux droits fondamentaux du travail - OIT).



4. QUELQUES PRINCIPES FONDAMENTAUX D'UN SYSTEME ECONOMIQUE MONDIAL

Toute réforme future du système économique international doit être guidée par des principes fondamentaux, dont le respect est, semble-t-il, crucial à l'obtention d'une économie mondiale plus juste et plus équitable :

1. Le principe de durabilité, qui place au centre du système économique mondial le respect de l'environnement et de structures socialement et économiquement viables.

2. Le principe de primauté des décisions politiques et du contrôle démocratique : les marchés doivent être contrôlés et nécessitent toute une infrastructure d'institutions et de réglementations pour fonctionner correctement.

3. Le principe des biens publics et des services publics: le marché ne peut pas, en-so,i répondre aux besoins humains et sociaux.

4. Le principe de distribution des tâches politiques et des responsabilités démocratiques: celles-ci doivent être mises en place aux niveaux locaux, nationaux, régionaux et mondiaux par différentes institutions démocratiques.

5. Le principe de compétition: la concentration du pouvoir économique par l’intermédiaires des multinationales est une source de pouvoir monopolistique et d’exploitation des consommateurs et de la société. Des politiques de compétition juste, à un niveau mondial, doivent être considérées et mises en place.


5. LA POSITION DES MULTINATIONALES

Les multinationales sont les principales "gagnantes" de la mondialisation. Parmi les 100 premières économies mondiales, seulement 49 sont des Etats. Les 51 autres sont des entreprises - les plus grandes multinationales. A ce jour, les 200 premières multinationales produisent 27,5% du PIB mondial - une part en augmentation constante. En même temps, les multinationales sont au cœur des problèmes les plus urgents auxquels l'économie mondiale doit faire face.

Les multinationales, acteurs principaux dans l’économie mondiale, doivent, d’une manière ou d’une autre, être forcées à assumer leurs responsabilités sociales et environnementales. En plus des lois nationales et internationales, les lois “souples” comme les directives de l’OCDE pour les entreprises multinationales (datant de 1976 et révisées en juin 2000) et la déclaration tripartite de l’OIT sur les multinationales et la politique sociale, datant de 1977, peuvent être efficaces si les gouvernements, consommateurs et investisseurs demandent que les multinationales les observent.

Développement: les grandes multinationales exercent un contrôle toujours croissant sur les économies en développement et naissantes. Aujourd'hui, environ 90% des investissements étrangers directs dans les pays du tiers-monde représentent des fusions ou des acquisitions - les multinationales absorbent les entreprises nationales dans les pays en développement. Ce processus a tendance à concentrer le pouvoir de décision, les profits et les compétences technologiques dans les pays développés. On peut se demander si les entreprises coréennes auraient été capables de pénétrer sur le marché électronique international dans les années 80 si elles avaient été de simples divisions de multinationales américaines ou européennes. En même temps, la haute productivité des multinationales étouffe les petites et moyennes entreprises, les petits producteurs et artisans - détruisant ainsi les emplois et les initiatives commerciales au niveau local. Alors que les exportations mondiales ont doublé entre 1982 et 1999, le chiffre de vente des filiales des multinationales à travers le monde a été pratiquement multiplié par six.

Chômage: les multinationales sont des structures économiques hautement productives. La différence entre leur part du PIB mondial et l'emploi dans le monde est frappante : des sources de l'OIT indiquent que les multinationales, qui produisent plus d'un quart du PIB mondial et contrôlent plus d'un tiers du capital fixe dans le monde entier, emploient en réalité (y compris leurs sous-traitants et les emplois indirects) seulement 5% de la force de travail mondiale. A ce jour, les 300 premières multinationales emploient moins de salariés qu'au début des années 80 - alors que leurs bénéfices et la production ont atteint dans l'intervalle des niveaux inégalés.

Taxation: dans les sociétés modernes, les multinationales sont les principales à "échapper à la taxation". En raison de la politique de déréglementation des deux dernières décennies, les facteurs mobiles tels que les capitaux ont eu encore plus de possibilités d'échapper à, ou d'éviter la fiscalité, ce qui place le fardeau du financement de l'Etat entièrement ou presque sur les facteurs immobiles - la consommation et le travail.



L’INTERNATIONALE SOCIALISTE ET LA MONDIALISATION


L’Internationale Socialiste renouvelle son engagement pour que la mondialisation bénéficie à tous les citoyens du monde entier. L’objectif est de lier la révolution technologique et la croissance matérielle qui en découle, au progrès social dans un processus entièrement démocratique et durable, en d’autres mots de conduire le changement mondial pour qu’il apporte avec lui le progrès social.

La clé de nos efforts, et l’élément qui place notre Internationale au premier rang de la réponse aux défis de la mondialisation, est la solidarité. Solidarité d’un point de vue matériel, mais aussi des perspectives de la culture, de l’éducation, du sexe et de la promotion du respect pour les droits de la personne partout. Essentiellement, le progrès mondial dépend de la solidarité mondiale.


 

 



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