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Congrès

XXe Congrès de l'Internationale Socialiste, New York

09-11 septembre 1996


UN PROGRAMME DES DROITS DE LA PERSONNE HUMAINE POUR LE XXIe SIECLE
 

Introduction

Au XXe siècle, plus qu'à aucune autre période de l'histoire, on a cherché à faire respecter les droits de la personne humaine. Ce sera le siècle des droits de la personne humaine et le siècle des négations les plus abjectes de ces droits et libertés.

Le siècle se termine et il est nécessaire et légitime de tirer les leçons de cent ans de progrès humain mais aussi d'échecs humains dans l'un des objectifs les plus nobles de la politique: donner aux hommes, aux femmes et aux enfants de cette planète des droits de la personne humaine et des libertés égaux exprimés dans tant de documents et déclarations mais aussi violés par tant d'échecs et de manquements dramatiques et tragiques.

Plus que jamais auparavant, les droits de la personne humaine ont mobilisé non seulement les intellectuels et les spécialistes, les experts du gouvernement et les légistes mais également beaucoup de citoyens ordinaires qui se sont organisés en ONG, un domaine maintenant énorme et qui crée aujourd'hui le vaste mouvement international des droits de la personne humaine. En outre, les questions des droits de la personne humaine aujourd'hui ont créé une énorme quantité d'institutions et occupent de nombreuses organisations nationales et internationales, à commencer par les Nations unies.

Bien qu'ils soient relégués de temps à autre au second rang des questions internationales et des esprits des décideurs internationaux, bien que constamment abandonnés au profit des soucis plus matériels des états et des gouvernements (au profit notamment des avantages économiques), les droits de la personne humaine sont devenus indispensables et prennent une importance de plus en plus grande dans les soucis politiques du monde, notamment grâce à une nouvelle intensité de la conscience mondiale dans une société d'information planétaire qui laisse très peu d'endroits de la scène internationale inexplorés.

Mais sans aucun doute, en dépit de cet énorme pas en avant de la prise de conscience, de la sensibilité et des préoccupations, le bilan global de la promotion et de la défense des droits de la personne humaine et des libertés fondamentales dans le monde reste déprimant et comporte beaucoup trop de défauts et d'échecs.

L'ingéniosité humaine et le progrès technique ont réussi, à beaucoup d'égards, à lutter contre les maux qui hantent l'humanité: la maladie et l'ignorance, ou les risques de catastrophes imprévues. Mais il serait difficile de dire que l'on pourrait éradiquer pour de bon les abus des droits de la personne humaine. En particulier, il reste une grande contradiction entre les normes adoptées au plan international et les pratiques tolérées au niveau national.

Ce fait est amplement documenté par le volume croissant de rapports sur l'état des droits de la personne humaine dans le monde émis par des autorités nationales et internationales, les gouvernements, les organisations internationales et les grandes ONG internationales de droits de la personne humaine comme Amnesty, Human Rights Watch ou la Commission Internationale des Juristes. Il semble donc impératif de dresser, après l'expérience des décennies passées et présentes, un nouveau programme pour les droits de la personne humaine au XXIe siècle.

Ce programme doit prendre en compte les difficultés et les dangers du passé tels qu'ils ont été identifiés par toute une série de conférences et réunions internationales, dont notamment la Conférence mondiale de Vienne sur les droits de l'Homme en 1993 et d'autres grandes manifestations de l'ONU comme les conférences de Copenhague, du Caire, de Beijing et d'Istanbul sur le développement social, la population, les femmes et l'habitation.

L'analyse et les propositions qui suivent ne remettront pas en compte le point de vue sur les droits de la personne humaine et les libertés fondamentales désormais acceptés universellement, c'est-à-dire leur indivisibilité et leur interdépendance sans privilégier une catégorie ou une génération de droits de la personne humaine: civils, culturels, économiques, politiques ou sociaux.

Sur la base des expériences passées et des tendances actuelles, ce document tentera d'établir les éléments d'un programme des droits de la personne humaine pour le XXIe siècle qui devrait prendre pour base l'idée d'un ensemble universel de droits de la personne humaine et de libertés fondamentales. Ce document contiendra une quantité considérable de questions des droits de la personne humaine qui ont dominé le XXe siècle et qui continueront d'être applicables dans les décennies à venir.

Ainsi, un programme des droits de la personne humaine pour le XXIe siècle ne sera pas fondamentalement différent du programme actuel, en ce qui concerne les droits de la personne humaine, mais sera plus audacieux et plus ambitieux. Il devrait viser un niveau de prise de conscience et de préparation à leur défense beaucoup plus élevé, introduire de nouveaux systèmes de procédures beaucoup plus étudiées et sûres et donc créer un degré nouveau et sans précédent de sécurité des droits de la personne humaine.

Un nouvel ordre international des droits de la personne humaine

Tout nouvel ordre universel des droits de la personne humaine, comme l'ont amplement démontré les efforts passés pour créer un tel ordre, doit être basé sur un certain nombre de principes généraux qui sont universellement acceptables et acceptés.

Universalité

Les normes des droits de la personne humaine, bien qu'elles soient implantées dans de nombreuses cultures, sont universelles. Grâce à leur universalité, les droits de la personne humaine doivent offrir la protection à toute l'humanité, y compris les groupes spéciaux comme les femmes, les enfants, les minorités, les populations indigènes, les ouvriers, les minorités nationales, les réfugiés et les personnes déplacées, les handicapés et les personnes âgées. Tout en reconnaissant le pluralisme culturel, on ne doit pas tolérer les pratiques culturelles qui s'éloignent des droits de la personne humaine universellement acceptés, y compris les droits des femmes.

Comme les droits de la personne humaine concernent tout le monde et ont une valeur universelle, la préconisation des droits de la personne humaine ne peut pas être considérée comme une ingérence dans les affaires des états.

Indivisibilité et interdépendance

Les droits de la personne humaine, qu'il s'agisse de droits civils, politiques, économiques, sociaux ou culturels, sont individuels et interdépendants. C'est pour cela qu'aucun groupe de droits ne peut recevoir de priorité sur l'autre. On ne peut pas non plus avancer qu'un groupe de droits est, en pratique, une condition préalable de la jouissance des autres. Ces arguments n'ont aucun fondement juridique ou empirique mais peuvent facilement détruire la base sur laquelle on peut bâtir un consensus international sur les droits de la personne humaine.

Les droits de la personne humaine sont néanmoins interdépendants, par exemple les droits économiques exigent une distribution équitable des ressources et des revenus, le droit d'être libre de la faim et de la pauvreté. Ces droits peuvent uniquement être protégés lorsque les individus peuvent exercer leurs droits civils et politiques, par exemple le droit des salariés à organiser et former des syndicats afin de protéger leurs droits économiques. La pauvreté vient d'un mauvais développement face à une négation systématique des droits de la personne humaine.

On doit traiter les droits de la personne humaine de manière holistique et intégrée. Une fois fixés, on ne peut pas utiliser ces droits pour en obtenir d'autres.

Solidarité

La dimension nord-sud du programme de droits de la personne humaine a une importance fondamentale. La solidarité telle qu'elle est définie dans la Déclaration sur le Droit au Développement est "la solidarité entre pays industrialisés et leurs partenaires en développement et la solidarité dans chaque pays avec les plus démunis." Le droit au développement est universel et inaliénable.

En l'an 2000 et après, quatre cinquièmes de la population mondiale vivront dans les pays en développement. Le nombre des personnes dans la pauvreté et le désespoir les plus complets ne cessera de grandir.

La solidarité avec les peuples de tous les pays exige une collectivité d'intérêts et de valeurs qui ne respecte aucune frontière afin de gérer les problèmes, depuis la dégradation de l'environnement et les migrations jusqu'à la drogue et les épidémies. La sécurité de tous est atteinte par la pauvreté et la misère qui existent dans le monde. Le développement est important: correctement utilisée dans des environnements propices, l'aide apporte des résultats.

La communauté internationale doit soutenir et augmenter le volume d'assistance officielle au développement afin de renverser la marginalisation croissante des pauvres et progresser vers des objectifs réalistes de développement humain.

Un partenariat de développement mondial devrait oeuvrer pour atteindre les objectifs suivants au siècle prochain:

  • une réduction massive de la proportion des personnes vivant dans la pauvreté extrême;
  • l'éducation primaire universelle dans tous les pays;
  • l'égalité entre les sexes;
  • l'accès, via des systèmes de soins de base, aux services de planification familiale pour toutes les personnes de l'âge approprié.

Les stratégies de développement devraient également faire en sorte que les tendances actuelles de la perte des ressources écologiques soient renversées de manière efficace au niveau global et national.

Le succès ou l'échec des pauvres et des pays pauvres dans leurs efforts pour vivre dans un monde indépendant auront une profonde influence sur le XXIe siècle et sur la place que les droits de la personne humaine et les libertés fondamentales y occuperont.

Intégration

Les activités des droits de la personne humaine ne doivent pas être traitées ou poursuivies de manière isolée mais être intégrées aux autres activités comme la coopération au développement, la paix et les autres formes de résolution des conflits. Néanmoins, on doit établir une distinction claire entre la recherche authentique sur les droits de la personne humaine et la surveillance d'un côté et les services-conseils ou la coopération technique de l'autre. Les différences entre ces deux types d'activités sont fondamentales et il convient de conserver cette distinction. De manière similaire, alors que le maintien de la paix, l'exercice de fonctions de "bons offices" et les efforts de conciliation ont une importance majeure et devraient dans la mesure du possible refléter les éléments intégrés des droits de la personne humaine, on ne peut pas les considérer comme des substituts pour la surveillance des droits de la personne humaine, et il ne sera pas approprié, dans beaucoup de cas, de combiner la responsabilité des différentes fonctions dans la même entité. Dans de nombreuses situations, il est nécessaire d'avoir des surveillants des droits de la personne humaine qui examinent la promotion des droits de la personne humaine, les activités des conseillers techniques, des forces de maintien de la paix et autres plutôt que d'être remplacés par ces derniers.  
Les composantes de la poursuite du développement et de la protection des droits de la personne humaine et des libertés fondamentales
La démocratie, la liberté de pensée et d'expression

La démocratie

La démocratie est plus qu'un processus légal ou formel. C'est plus que le rituel de voter dans des élections à plusieurs partis. La véritable démocratie nécessite la participation démocratique des individus à tous les niveaux pour que le peuple ait une voix dans les discussions qui décident des lois qui les gouvernent. Mais la démocratie doit non seulement gouverner le processus politique mais aussi toucher toutes les sphères de la société, y compris la vie économique et sociale. C'est également un concept dynamique qui doit être constamment développé et dont les fondations doivent constamment être renforcées.

Cela doit se réaliser sous la forme de la responsabilisation des individus et de la participation à la base et aux autres niveaux avec des processus et des institutions ouverts et responsables aux niveaux local et national. La démocratie exige un bon régime, l'absence de corruption et la responsabilité de l'état et des autres autorités envers le peuple. Elle nécessite la protection et la participation des groupes non majoritaires, c'est-à-dire des minorités et des groupes sans pouvoir. Elle est liée à la question des terres et de la justice sociale pour les habitants des campagnes et autres groupes défavorisés.

La démocratie est un mode de vie. Elle doit imprégner tous les aspects de la vie humaine: au foyer, au travail, dans la société et au delà. Elle doit être encouragée et garantie dans tous les pays.

La démocratie, le développement et la bonne gouvernance

La démocratie et le développement sont liés de manière fondamentale. Ils sont liés car la démocratie fournit la seule base à long terme pour gérer des intérêts ethniques, religieux et culturels en compétition de manière à minimiser le risque de conflits internes violents. Ils sont liés car la démocratie est attachée de manière inhérente à la question de la gouvernance, qui a un impact sur tous les aspects des efforts de développement. Ils sont liés car la démocratie est un droit de la personne humaine fondamental, dont le progrès est en lui-même une mesure importante du développement.

Le problème de la forme du gouvernement des membres de la collectivité internationale, des nations, a donc pris une importance croissante dans le programme politique international. En particulier, on considère de plus en plus que le progrès vers un ordre démocratique universel et de bonne gouvernance, notamment dans les discours et la philosophie du "Programme pour la Paix" de Boutros-Ghali, est l'objectif ultime de tous les efforts internationaux de paix, de maintien de la paix et de construction de la paix.

L'organisation d'élections n'est qu'un élément de la démocratisation. Les Etats membres ont cherché et reçu l'assistance des Nations unies pour faciliter la décolonisation et mettre en oeuvre le droit à l'auto-détermination, pour concevoir des procédures qui facilitent la transition à la démocratie et pour bâtir des alternatives démocratiques aux conflits. Les Nations unies ont également offert leur soutien à des activités comme la rédaction de constitutions, le lancement de réformes administratives et financières, le renforcement des lois nationales sur les droits de la personne humaine, l'amélioration des structures judiciaires, la formation des responsables des droits de la personne humaine et l'aide aux mouvements d'opposition armée pour se transformer en partis politiques démocratiquement compétitifs.

Bien que la démocratie ne soit pas le seul moyen d'obtenir un meilleur régime, c'est le seul moyen fiable. En autorisant une plus grande participation du public, la démocratie augmente les chances pour que les objectifs de développement nationaux reflètent les grandes aspirations et priorités de la société. En fournissant des mécanismes et des filières appropriés pour la succession du gouvernement, la démocratie fournit des incitations à protéger la capacité, la fiabilité et l'intégrité des principales institutions d'Etat, y compris le service civil, le système légal et le processus démocratique lui-même. En établissant la légitimité politique des gouvernements, la démocratie renforce leur capacité à appliquer leurs politiques et à s'acquitter de leurs fonctions de manière efficace. En rendant les gouvernements responsables vis-à-vis des citoyens, la démocratie rend chaque gouvernement plus prêt à répondre aux soucis du peuple et offre des incitations supplémentaires à la transparence dans la prise des décisions.

Le maintien de la démocratie et du développement dans les Etats est étroitement lié à l'expansion de la démocratie dans les relations entre Etats et à tous les niveaux du système international. La démocratie dans les relations internationales fournit la seule base pour bâtir un soutien mutuel et le respect entre nations. Sans véritable démocratie dans les relations internationales, la paix ne durera pas et l'on ne peut pas assurer un rythme satisfaisant de développement.

La démocratie au sein de la famille de nations est un principe intégrant du système des relations internationales envisagé dans la Charte des Nations unies. Ce principe signifie qu'il faut donner à tous les Etats, grands et petits, l'opportunité la plus complète de consulter et de participer. Il signifie l'application des principes démocratiques au sein de l'Organisation des Nations unies elle-même.

La démocratie des relations internationales signifie également le respect des principes démocratiques dans les interactions ayant lieu hors des Nations unies et du système moderne des organismes internationaux. Elle signifie des discussions bilatérales au lieu de menaces bilatérales. Elle signifie consultation et coordination dans la résolution de problèmes communs. Elle signifie coopérer pour se développer.

Auto-détermination

Le droit à l'auto-détermination est bien établi dans les documents internationaux sur les droits de la personne humaine et dans le droit international. Néanmoins, on sait bien que l'auto-détermination ne signifie pas nécessairement la sécession ou l'instauration d'un état. Les structures politiques pluralistes qui permettent à des groupes distincts d'avoir une plus grande autonomie, sont souvent un meilleur moyen d'obtenir l'auto-détermination.

Ce qui est essentiel est que tous les peuples aient le droit de s'exprimer au plan culturel, politique, social et religieux, tenant aussi compte de la Résolution 1514 de l'Assemblée générale des Nations unies.

A cet égard, les Nations unies semblent mieux équipées pour créer un organisme spécifique qui examinera la question d'auto-détermination et qui produira des critères selon lesquels on pourra juger les demandes d'auto-détermination selon des normes objectives et universellement acceptables.

Liberté d'expression et de pensée

La liberté d'expression et de pensée, qui est nécessairement liée à la demande de droits civils et politiques ainsi qu'à la démocratie, est sévèrement limitée dans de nombreux pays. Dans bien des régions du monde, il n'existe pas de médias indépendants du gouvernement ou de puissants monopoles économiques. Les gens ne peuvent pas s'exprimer sans peur. Les journalistes et les citoyens ordinaires sont persécutés, emprisonnés et même tués simplement parce qu'ils expriment leurs pensées ou parce qu'ils écrivent la vérité.

Quelquefois, la vérité est supprimée par des groupes de pression économiques et des cartels, comme par exemple le pouvoir malfaisant des barons de la drogue, mais le plus souvent, le prétexte invoqué pour restreindre la liberté d'expression est la sécurité nationale ou un présumé système de "loi et ordre". Il s'agit surtout d'un masque de l'autoritarisme et de l'élimination des aspirations démocratiques.

Militarisation

On s'inquiète de plus en plus de la militarisation croissante de nombreux pays et du détournement des ressources à cet effet. La militarisation a entraîné la destruction de la société civile, sapé le droit d'auto-détermination et nié au peuple le droit de se libérer et le droit de ne pas avoir peur. Dans certains cas, la militarisation a pris la forme de groupes civils comme les groupes d'auto-défense.

Cela a été particulièrement néfaste pour les peuples indigènes et les minorités nationales et a provoqué leur migration forcée. Ce processus est lié à la violence contre les femmes comme l'esclavage sexuel, le viol et autres crimes commis dans les conflits armés. Les enfants en ont particulièrement souffert. Ils ont des problèmes de santé physiques, des troubles affectifs et ne sont pas ajustés à la société à cause d'événements traumatisants comme arrestations et torture, évacuation, massacre, disparition et autres formes de violation des droits de la personne humaine.

Pour s'attaquer à ce problème avec efficacité, les pays plus riches doivent se montrer particulièrement responsables en s'abstenant d'exporter des armes. Des codes déontologiques régionaux et internationaux devraient gouverner l'exportation, l'importation et le transfert des armes. De tels codes déontologiques devraient interdire l'exportation, l'importation et le transfert d'armes aux régimes qui les utiliseront à des fins répressives.

L'autorité de la loi

L'autorité de la loi doit se fonder sur l'existence d'un système judiciaire indépendant qui traite tous les citoyens avec justice et sans discrimination. Les procès doivent s'effectuer en public et les droits dont disposent les citoyens doivent être clairement indiqués, ainsi que les moyens à utiliser pour demander réparation si ces droits sont menacés. Dans beaucoup de pays, l'existence de la torture et de traitements inhumains et avilissants donne lieu de s'inquiéter. Ces pratiques doivent être éradiquées.

Dans beaucoup de pays, les suspects sont torturés par le personnel d'application de la loi pour leur extraire des "confessions". Cette pratique inhumaine est encouragée officiellement par certaines autorités comme moyen économique et pratique de contrôle de la criminalité. Ces soi-disant "confessions" sont utilisées comme "preuves" dans les procès.

Les mesures nécessaires pour mettre fin à ces pratiques doivent être préventives et curatives. Ces dernières nécessitent la poursuite des responsables et une assistance aux victimes de la torture quant à leur réhabilitation.

Abolition de la peine de mort

L'un des droits les plus fondamentaux de la personne humaine est le droit de chacun à la vie. L'abolition universelle de la peine de mort contribue donc à l'augmentation de la dignité humaine et au développement progressif des droits de la personne humaine. Personne ne doit donc être condamné à une telle peine ou être exécuté. Les états doivent donc, conformément aux documents universels ou régionaux sur les droits de la personne humaine, abolir la peine de mort et aucun état qui l'a déjà abolie ne devrait la remettre en vigueur. Lorsque la privation de la vie fait partie du crime de génocide, les stipulations de la Convention sur la Prévention et la Punition du crime de Génocide seront entièrement appliquées.

Racisme, discrimination raciale, antisémitisme, xénophobie et violence ethnique

On définit désormais la discrimination raciale comme "toute distinction, exclusion, restriction ou préférence basée sur la race, la couleur, les origines nationales ou ethniques ayant pour effet ou pour objectif d'éliminer ou de porter atteinte à la reconnaissance, à l'appréciation ou à l'exercice, de manière égalitaire, des droits de la personne humaine et des libertés fondamentales dans la sphère politique, économique, sociale, culturelle ou autre domaine de la vie publique". La discrimination raciale, en particulier sous ses formes brutales, relève de la criminalité et doit être traitée en conséquence par des mesures juridiques. Parallèlement, le terme "racisme" indique un état d'esprit malheureusement trop répandu pour être désigné sous le nom d'aberration mais qui révèle une perversion et un esprit malade. Comme l'indique la Déclaration de l'UNESCO sur la Race et les Préjudices Raciaux, "le racisme gêne le développement de ses victimes, pervertit ceux qui le pratiquent, divise les nations de l'intérieur, gêne la coopération internationale et fait naître des tensions politiques entre les peuples". La lutte contre le racisme, la discrimination raciale et l'antisémitisme exige une stratégie d'action très large comportant des mesures légales et politiques (y compris des mesures de résolution des conflits et de renforcement de la confiance) et des politiques dans le domaine de l'enseignement, de l'éducation, de la culture et de l'information. Les victimes de la discrimination raciale sont habilitées, individuellement et collectivement, à des mesures efficaces de protection et à des recours et, selon les cas, à des mesures de protection efficaces dans le domaine économique, social et politique afin de remédier et de réparer la situation hostile, souvent dégradante et scandaleuse dans laquelle elles se trouvent.

Droits des minorités

Les plus fréquentes victimes du racisme, de la xénophobie et de la violence ethnique sont les minorités, dont les droits doivent être spécialement protégés, surtout durant le processus de développement.

Les minorités sont définies comme représentant une proportion moins importante de la population, qui possède un statut non-dominant et à certains égards différent de la population totale. Il existe des minorités nationales, ethniques, culturelles, linguistiques, religieuses et internationales (comme les Sinti et les Roma). Ces minorités peuvent être soit éparpillées soit vivre de manière relativement proche, dans une même région.

Parmi les groupes minoritaires, les pauvres en zone rurale, les migrants urbains et, en particulier, les femmes et les enfants (qui sont doublement vulnérables) sont particulièrement nombreux.

L'intolérance à l'égard des minorités et le refus du droit à la différence sont également évidents aujourd'hui au travers de la prolifération et des comportements violents des mouvements religieux fondamentalistes et des extrémistes politiques. Il faut donc garantir le respect de la liberté religieuse et philosophique. On peut se rapprocher de cet objectif par des échanges culturels et en apprenant à connaître les peuples d'origine différente, en particulier au travers de programmes d'échange entre jeunes et de l'enseignement de diverses religions et philosophies dans les écoles publiques et privées.

L'élargissement et l'approfondissement du processus de démocratisation est crucial pour les droits des minorités, la participation des minorités et la stabilité du développement. Cela nécessitera une plus grande transparence et un plus grand dialogue sur cette délicate question. Les droits des minorités doivent également être développés au moyen de nouvelles lois internationales. Il faut créer des règles suffisantes dans le droit international afin de donner aux personnes le droit de réclamer leurs droits en tant que membres d'une minorité.

Un instrument important pour la promotion des droits des minorités devrait être la participation des minorités grâce à un processus de démocratisation véritablement efficace. Il devrait également y avoir un financement pour le soutien à la société civile, y compris les projets de recherche des ONG, les programmes d'information et d'éducation sur la justice inter-raciale et les projets qui habilitent les communautés minoritaires vulnérables.

Les peuples indigènes

Dans le monde, il y a de nombreuses populations indigènes. Une question de base parmi ces peuples indigènes est le fait que beaucoup d'entre eux ne sont pas reconnus comme étant indigènes par les gouvernements et en tant que tels se voient refuser le droit à l'auto-détermination.

On leur enlève leur identité culturelle spécifique et leur droit à la protection dans le cadre des documents internationaux sur les droits de la personne humaine. Ils sont victimes d'ethnocides et de génocides perpétrés par certains gouvernements, au nord, au sud ou les deux. Les institutions financières internationales et les entreprises transnationales, les documents juridiques internationaux actuellement disponibles n'ont pas de force pour assurer la protection collective des droits de la personne humaine.

Dans de nombreuses régions du monde, leur droit aux terrains et autres droits ne sont pas respectés. Parmi les conséquences, citons l'expropriation et la spoliation de leurs terres, les conflits armés et le déplacement des réfugiés. Cela s'accompagne de persécutions et de suppressions par la force. Sur un autre front, le tourisme a parfois mené à la dégradation du mode de vie des indigènes à cause de l'exploitation commerciale.

Les activités des Nations unies visant à résoudre les problèmes des peuples indigènes devraient être plus poussées et les efforts faits pour élaborer un projet de déclaration sur les droits des peuples indigènes doivent être accélérés.

Les réfugiés et les personnes déplacées

Le problème des réfugiés et des personnes déplacées est répandu et croissant dans le monde. Il devient un phénomène permanent. Il est lié à la répression politique, aux conflits armés, à la discorde ethnique et aux catastrophes naturelles.

On ne s'intéresse pas suffisamment à leur sort. Leur position est aggravée par le manque de mécanismes nationaux et internationaux efficaces afin d'assurer leur protection et leur assistance.

La sécurité des réfugiés et des personnes déplacées est souvent menacée par des politiques d'état restrictives et par la discrimination. Le droit de base des réfugiés à ne pas être repoussés vers les frontières du danger est violé maintes fois. Les procédures mises en place pour déterminer le statut de réfugié sont souvent défectueuses et la rapatriation volontaire dans le pays d'origine n'est pas toujours garantie. Les droits de la personne humaine des réfugiés et des personnes déplacées, y compris leur liberté d'expression, sont violés au nom des politiques nationales restrictives.

Peu de pays ont signé les documents appropriés concernant les réfugiés. Cela témoigne d'une réticence à reconnaître les normes internationales des droits de la personne humaine et à rendre la situation plus transparente au plan international.

Les droits accordés par la Convention de Genève doivent être soigneusement observés par la communauté internationale et une liste de droits supplémentaires devrait être adoptée au vu des récentes expériences, y compris des réfugiés de facto, personnes déplacées à cause des guerres civiles, persécution ethnique et désastres de la nature.

Il y a aussi besoin de mesures pour assurer les droits fondamentaux pour le nombre toujours augmentant, des migrants et de leurs familles qui font face à de longues périodes de leurs vies comme "citoyens invités" dans un pays étranger.

Droits des enfants

Les enfants continuent d'être victimes de divers abus et exploitations dans le monde. Citons le travail des enfants, les enfants esclaves et esclaves sexuels, la prostitution, la vente et le trafic des enfants, les enfants dans des situations de conflits armés, les enfants en prison, les enfants dans des situations de pauvreté et autres privations et les enfants violentés dans leur famille, situation aggravée par la décomposition des familles. Les besoins de base, comme la santé physique et mentale, la nutrition, l'éducation, le logement et la participation sont souvent insatisfaits. L'arrivée du sida a aggravé le sort des enfants: la discrimination s'intensifie à l'encontre des enfants victimes du sida et des orphelins de familles touchées par le sida.

Les droits des enfants sont mis en danger dans des situations très diverses. Depuis un très jeune âge, ils sont exposés à diverses formes de violence par les gouvernements: pauvreté, malnutrition, maladie et manque d'éducation qui étouffent leur croissance et les privent de leur enfance.

Ce scénario est très lié à la discrimination contre les petites filles, la militarisation et la déformation du processus de développement. Bien que de nombreux pays aient désormais signé la Convention Internationale sur les Droits de l'Enfant, son application reste faible, avec beaucoup de discours plutôt que de mesures efficaces pour protéger les enfants et assister leur famille.

Les droits des femmes

Les femmes continuent d'être victimes de discrimination partout dans le monde en ce qui concerne la reconnaissance, la jouissance et l'exercice de leurs droits individuels dans la vie publique et privée et sont victimes de nombreuses formes de violence. Les violations des droits des femmes devraient être combattues avec plus d'efficacité par la promotion et la protection des droits de la personne humaine.

L'interdiction de la discrimination sexuelle est mentionnée dans tous les documents des droits de la personne humaine. Le sous-développement, certaines pratiques sociales et traditionnelles et habitudes culturelles ainsi que toutes formes de violence et d'extrémisme créent des obstacles qui empêchent les femmes de bénéficier de tous leurs droits. Les droits de la personne humaine sont universels et doivent s'appliquer aux hommes et aux femmes de manière égalitaire. Les violations des droits des femmes n'ont pas été totalement pris en charge par les mécanismes globaux des documents des droits de la personne humaine, les moyens de recours en cas de violation ne sont pas adéquats et le processus d'obtention de l'égalité de fait a été long.

En dépit de la ratification des documents internationaux et régionaux sur les droits de la personne humaine, les états conservent des lois et des pratiques discriminatoires à l'égard des femmes. Des traditions et coutumes sélectives sont utilisées par les états afin de perpétuer la discrimination contre les femmes et de l'excuser dans la sphère privée, contrairement aux obligations librement contractées par les états et contrairement aux attentes de la collectivité internationale. Ceci est particulièrement vrai dans le domaine de l'accès aux terres et autres ressources économiques, du statut légal et des capacités et des droits au sein de la famille.

La question des droits des femmes n'a pas été visible dans le discours sur les droits de la personne humaine, dans les institutions et pratiques des droits de la personne humaine. La patriarchie, qui opère au travers des sexes, des classes, des castes et des ethnies, est au centre des problèmes auxquels font face les femmes. La patriarchie doit être éradiquée. Les droits des femmes doivent être examinés, dans la société publique et privée et en particulier au sein de la famille. Afin de donner aux femmes une vie digne et indépendante, il est important que les femmes possèdent des droits économiques inaliénables et égaux (par exemple droits aux terres agricoles, au logement et autres ressources et biens). Il est impératif que les gouvernements et les Nations unies garantissent ces droits. Les crimes commis contre les femmes, y compris le viol, l'esclavage et le trafic sexuel et la violence domestique ainsi que le manquement des gouvernements à poursuivre les responsables de ces crimes impliquent une certaine complicité.

Les femmes indigènes font l'expérience de l'impact du colonialisme et du racisme en plus du sexisme. Egalement, les femmes qui viennent de pays colonisés par les pouvoirs occidentaux font l'expérience des effets de la colonisation quand elles vivent en occident en plus de la discrimination et de l'exploitation basées sur leur sexe. De manière générale, les femmes en occident font l'expérience de discriminations systématiques dans l'emploi et dans l'éducation, dans le système judiciaire, dans la vie politique et dans l'accès à des soins médicaux adéquats. La violence contre les femmes a atteint des proportions épidémiques. Egalement, bien qu'elles vivent dans des pays soi-disant développés, beaucoup de femmes sont pauvres et, avec leurs enfants, souffrent des effets complexes et ravageurs de la pauvreté sur leur santé, leur éducation et leur amour-propre. Dans les sociétés occidentales, les femmes sont subordonnées aux hommes dans les sphères publique et privée. Elles ont moins de pouvoir, moins de statut, moins de revenus, moins de sécurité et moins de contrôle sur leur corps et sur leur vie.

Dans toutes les régions du monde, on a vu que les Nations unies et les gouvernements ont manqué, dans l'ensemble, à promouvoir et protéger les droits des femmes, qu'ils soient civils et politiques ou économiques, sociaux et culturels. La subordination des femmes dans le monde entier doit être reconnue comme une violation des droits de la personne humaine en prenant dûment en compte les structures d'oppression qui recoupent et aggravent cette subordination.

Les droits des lesbiennes, des homosexuels et des bisexuels

Les lesbiennes, les homosexuels et les bisexuels voient leurs droits de la personne humaine bafoués de manière quotidienne. Leur inégalité face aux hétérosexuels vis-à-vis de la loi existe toujours. L'homophobie contribue à la violation des droits de la personne humaine et cette question relève des comportements criminels et devrait être traitée en conséquence en termes d'actions juridiques.

Les lesbiennes, les homosexuels et les bisexuels n'ont pas actuellement les mêmes libertés et ne sont pas traités de la même manière que les hétérosexuels par la loi. Par exemple, la discrimination au travail pour cause de sexualité est légale dans la plupart des pays (à la différence de la discrimination pour raisons sexuelles ou raciales) et les relations entre personnes du même sexe ne sont pas reconnues de la même manière par la loi que les relations entre personnes du sexe opposé. La lutte contre l'homophobie et la discrimination sexuelle exige une stratégie d'action très large, qui va de mesures juridiques et politiques à des stratégies dans le domaine de l'enseignement, de l'éducation, de la culture et de l'information. Les lesbiennes, les homosexuels et les bisexuels ont les mêmes droits de la personne humaine que les hétérosexuels. Ces droits doivent faire partie intégrante de l'appareil juridique au travers de la mise en vigueur d'une législation qui garantit un traitement égal, quelle que soit la sexualité, dans tous les domaines de la vie politique, sociale et économique.

 

 
Les droits de la personne humaine au XXe siècle: un bilan négatif
 


Pour résumer, on pourrait répertorier les inquiétudes suivantes comme étant les plus graves en ce qui concerne les violations des droits de la personne humaine:

- manquement à adopter des documents internationaux sur les droits de la personne humaine (et trop de "réserves" lors de l'accession) et refus de les mettre en vigueur au niveau national et local;

- manque de mécanismes inter-gouvernementaux régionaux et nationaux afin de protéger les droits de la personne humaine de manière indépendante et accessible;

- manque d'accès aux informations nécessaires pour habiliter les personnes à protéger leurs droits de la personne humaine;
- discrimination et oppression nationale des minorités et des peuples indigènes et protection inadéquate des peuples tribaux;

- mesures du gouvernement qui minent l'universalité et l'indivisibilité des droits de la personne humaine;

- non-respect de la loi par les autorités du gouvernement;

- prolifération des conflits armés, mêlés à la discorde ethnique, avec dangers pour les civils;

- répression politique au moyen d'assassinats, disparitions, tortures (en particulier des prisonniers politiques) et suppression des droits civils et politiques, y compris auto-détermination, liberté d'expression et de rassemblement;

- harcèlement des personnes, y compris des travailleurs dans la médecine et dans l'église, durant l'exercice de leurs fonctions humanitaires;

- attaques des droits de travailleurs, en particulier des travailleurs migrants;

- menaces aux communautés agraires et rurales;

- nombre croissant de menaces aux réfugiés et personnes déplacées, en particulier par manque de procédures équitables et efficaces de sélection des réfugiés, violations de leurs droits de la personne humaine et menace de leur droit d'asile et de sécurité;

- impunité des personnes qui commettent des violations des droits de la personne humaine;

- intolérance religieuse mêlée d'extrémisme, et autres formes de discrimination sur la base de la religion;

- nombreuses contraintes imposées aux mass médias;

- non-reconnaissance et poursuite des violations des droits des femmes à cause de la patriarchie, y compris leurs droits économiques, et manque d'adaptation des processus pour améliorer l'habilitation des femmes et l'égalité entre les sexes;

- exploitation sexuelle répandue;

- discrimination et oppression des minorités sexuelles (c'est-à-dire lesbiennes, homosexuels et bisexuels);

- violation des droits des enfants à cause de besoins économiques, contraintes socio-culturelles, criminalité, consumérisme, discrimination et militarisation;

- protection insuffisante des handicapés, qu'ils souffrent de handicaps physiques ou mentaux;

- manque de services et d'assistance aux personnes âgées;

- augmentation du sida et des exploitations qui s'y rapportent;

- violation du droit à la santé et systèmes de soins sous-développés, caractérisés par une distribution inégale et une inaccessibilité des ressources pour la majorité pauvre;

- refus des services de soins aux survivants des violations des droits de la personne humaine;

- dégradation croissante de l'environnement et diminution des ressources naturelles.


Eléments d'un programme des Droits de la personne humaine au XXIe siècle

En 1948, lorsque la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme fut adoptée comme "norme commune d'accomplissement pour tous les peuples et toutes les nations" les normes qu'elle contenait étaient considérées par pratiquement tous les gouvernements comme ne plaçant aucune obligation légale sur eux. A cette époque, aucune violation spécifique des droits de la personne humaine, à l'exception du génocide, n'était proscrite de manière effective. Pratiquement tous les états se réfugiaient derrière l'article 2(7) de la Charte des Nations unies en avançant que toute autre question portant sur les droits de la personne humaine était strictement une affaire interne de l'Etat concerné. Une Commission de l'ONU sur les Droits de l'Homme fut mise en place mais son travail était totalement dominé par les gouvernements, les experts indépendants n'avaient absolument aucun rôle et les ONG étaient limitées, en termes formels, à des apparitions ad hoc strictes. Le mandat de la Commission était largement limité, en pratique, à la rédaction de nouveaux traités et autres
documents juridiques.

Par contre, aujourd'hui, moins de cinquante ans après l'adoption de la Charte de l'ONU, des progrès importants ont été faits. Les normes se trouvant dans la Déclaration Universelle sont, en pratique, applicable à tous les Etats, quelles que soient leurs attitudes officielles à l'égard de leur statut juridique. La collectivité internationale ajoute très peu foi à l'opinion selon laquelle les violations des droits de la personne humaine sont essentiellement des questions de droit national, bien que toujours invoquée de temps à autre de manière presque rituelle. La Déclaration Universelle a été complétée par une vaste gamme de normes internationales. Les plus importants sont les six traités "centraux" sur les droits de la personne humaine. En plus des six organismes experts créés par l'ONU pour superviser le respect par les états membres de leurs obligations dans le cadre de ces traités, des conventions régionales sur les droits de la personne humaine et un mécanisme de mise en oeuvre ont été mis en place en Europe, sur le continent Américain et en Afrique. L'ONU a également créé une gamme complexe d'autres mécanismes supplémentaires de surveillance.

En bref, le système international des droits de la personne humaine s'est développé à un point qui aurait été considéré inconcevable par la grande majorité des observateurs en 1945. Même au moment de la première Conférence Mondiale sur les Droits de l'Homme, aucun organisme de surveillance des traités n'existait, il n'y avait pratiquement aucune procédure pour les enquêtes sur les violations sauf dans le sud de l'Afrique et dans les Territoires Occupés du Moyen-Orient et les Etats n'étaient tout simplement pas tenus responsables, sauf lorsque des violations énormes coincidaient avec l'intérêt politique à court terme de deux ou trois blocs géopolitiques au moins. Dans les vingt-cinq dernières années, le système des Nations unies a fait d'énormes progrès. Evidemment, ces progrès ne sont absolument pas suffisants et il reste d'énormes lacunes.

Citons entre autres :

- de nombreuses situations graves ont été négligées par les organismes de l'ONU, soit complètement soit pendant de nombreuses années;

- les techniques à la disposition des rapporteurs par thème et par pays afin d'encourager ou de mettre un terme à des violations spécifiques sont extrêmement limitées et les procédures qui ont été mises au point laissent beaucoup à désirer;

- les mesures de suivi qui accompagnent ces procédures sont trop souvent inefficaces et beaucoup de gouvernements ciblés ont réussi à les ignorer ou ont seulement répondu par un geste symbolique;

- le système de l'ONU, en général, continue d'isoler les questions des droits de la personne humaine au sein d'une gamme étroite de ses activités, malgré quelques évolutions capitales récemment;

- au niveau de certaines questions, très peu de progrès ont été faits. Citons surtout les droits économiques, sociaux et culturels, les droits des minorités et les droits des femmes; et

- les ressources financières et humaines disponibles pour remplir les différents mandats de l'ONU sont misérablement inadéquates.

Mais en dépit des nombreux défauts des tentatives de l'ONU dans le domaine des droits de la personne humaine, nous avons des raisons d'être optimistes. L'opinion internationale et le travail des ONG internationales et nationales peuvent faire une énorme différence quant aux positions adoptées par les gouvernements et peuvent créer les conditions dans lesquelles les organisations internationales peuvent devenir plus efficaces.

Afin de mieux promouvoir la cause des droits de la personne humaine et des libertés fondamentales il faudrait faire appel à tous les composants du système international actuel, aux organisations internationales, aux gouvernements, aux ONG et à la société civil