PLATEFORME POUR LE PROGRES GLOBAL
I. LES DEFIS DE LA MONDIALISATION
1. Le monde aujourd’hui est passé dans une nouvelle ère caractérisée par le phénomène puissant de la mondialisation. Nous passons de la société industrielle à la société de l’information, de la connaissance, avec une rapidité et une profondeur sans précédent dans les changements historiques antérieurs.
La révolution technologique, incluant les avances dans la biotechnologie et le traitement d’information, est le facteur qui a déclenché ce processus très important. Les innovations technologiques et les systèmes de communication toujours plus sophistiqués créent beaucoup d’espaces d’opportunité complètement nouveaux qui permettent la création de richesses et le développent économique. Cela se voit dans les façons dans lesquelles la mondialisation du commerce et les mouvements accrus de capitaux ont contribué à stimuler une croissance économique incomparable dans un nombre de pays et de régions du monde, et à promouvoir des succès scientifiques importants en matière de médicine et de production alimentaire.
Cependant, le monde continue de connaître un élargissement de l’écart entre les riches et les pauvres, dans les nations comme dans les différentes régions du monde; l’émergence de nouvelles formes d’exclusion sociale liées à l’évolution technologique, à savoir le risque de l’écart digital; la concentration du pouvoir économique et financier augmente, combinée avec une vulnérabilité aux crises financières; la démocratie représentative et le rôle de la politique s’affaiblissent; les conflits à l’intérieur ainsi qu’entre les nations se multiplient; la dégradation et l’épuisement des ressources naturelles s’accélèrent; et tout cela provoque une incertitude croissante sur les conséquences de tout ce changement d’époque.
Devant ceci, l'Internationale Socialiste renouvelle donc son engagement pour que la mondialisation bénéficie à tous les citoyens du monde entier. L’objectif est de lier la révolution technologique et la croissance matérielle qui en découle, au progrès social dans un processus entièrement démocratique et durable, en d'autres mots de conduire le changement mondial pour qu'il apporte avec lui le progrès social.
La clé de nos efforts, et l’élément qui place notre Internationale au premier rang de la réponse aux défis de la mondialisation est la solidarité. Solidarité d’un point de vue matériel, mais aussi des perspectives de la culture, de l’éducation, du sexe et de la promotion du respect pour les droits de la personne partout. Essentiellement, le progrès mondial dépend de la solidarité mondiale.
2. Les aspects principaux de la mondialisation sont:
La mondialisation de l’information qui, avec la révolution des modes de communication dans l’âge digital et la réduction drastique du temps et de la distance a permis aux gens de se contacter n’importe où dans le monde sur n’importe quel sujet presque instantanément. Il en résulte que les forces de la technologie et le marché ont été libérés à une échelle sans précédents.
La mondialisation de l’économie et du commerce qui produit un changement substantiel des structures du commerce, des investissements, des entreprises et des relations industrielles. De nouvelles technologies augmentent la productivité et créent de nouveaux types d’emplois mais les gains ne sont pas distribués équitablement. Parallèlement de nombreux emplois autrefois considérés permanents sont maintenant superflus et les conceptions traditionnelles du travail ébranlées. Dans les sociétés avancées l’expérience fondamentale du travail partagé, de la coopération et l’expérience dans le lieu du travail commun, disparaît lentement mais progressivement.
La mondialisation du système financier qui a apporté une augmentation exponentielle des mouvements de capitaux à court terme mais sans fournir de cadre régulateur pour s’assurer contre la volatilité défavorable. Plus de 90 pour cent de telles transactions de devises se réalisent pratiquement en un rien de temps. Au cours de la dernière décennie, des nations et des régions entières ont été soumises à une série de crises financières liées aux déplacements soudains de flux de capitaux, chacun desquels a ébranlé la croissance économique, les revenus et l’emploi, tout en menaçant de se répandre de façon incontrôlable.
3. Le grand paradoxe de l’époque actuelle est que tandis que l’humanité a plus de potentiel que jamais pour aborder les problèmes de longue date de l’inégalité, de la faim, de la maladie et de l’analphabétisme, le potentiel jusqu’ici est, pour la plupart, utilisé d’une façon qui augmente les distances existantes au lieu de les raccourcir. Un des défis auxquels nous devons faire face est, par exemple, la réduction de moitié d’ici 2015, comme convenu lors du Sommet mondial sur l’alimentation en 1996, des 800 millions de personnes qui souffrent de la faim aujourd’hui dans le monde, la plupart desquelles se trouvent dans les pays en développement.
L’une des plus graves injustices qui existe encore est celle qui touche à l’inégalité entre les femmes et les hommes, malgré le fait que la poursuite de l’égalité des droits ait été un des mouvements les plus importants et positifs du XXe siècle.
Et bien que la mondialisation ait conduit à une plus grande prospérité pour certains, et une plus profonde pauvreté et dislocation pour d’autres, elle a néanmoins provoqué une interdépendance toujours plus grande car l'impact et les répercussions des flux migratoires des populations, des crises financières, les catastrophes liées à l’environnement et les conflits militaires se répercutent maintenant rapidement sur la planète entière.
4. La chute du Mur de Berlin a symbolisé la transformation politique de notre époque, fermant les portes sur les terribles certitudes du XXe siècle et ouvrant les fenêtres des incertitudes porteuses d’espoir au nouveau millénaire.
La fin de la confrontation de la Guerre froide, bipolaire et orientée par des blocs a aussi mené au retour des libertés et l’établissement de gouvernements démocratiquement élus dans beaucoup de pays. Mais pour la plupart des populations du monde, les "dividendes de la paix" et l’espoir d’un nouvel ordre international remplaçant l’ancien système basé sur l’équilibre de menaces de terreur réciproques n’ont pas encore été réalisés. A la place, le monde souffre d’une forme de désordre généralisé et plus explosif, avec des menaces continues à la paix et à la sécurité dérivées de conflits ethniques et culturels, et d’un nationalisme agressif et souvent atavique.
De plus, la liquidation du modèle communiste comme alternative totalisante à la démocratie "capitaliste" a conduit les idéologues néo-libéraux et les néo-conservateurs à embrasser une vue du monde simpliste et fondamentaliste qui confond économie de marché et société de marché et qui proclame la fin de tout débat idéologique sur la nature de l’économie politique. Le paradigme néo-libéral considère peu les préoccupations concernant la démocratie représentative, les droits de la personne, la justice sociale et l’environnement, et regarde la mondialisation comme un processus déréglé permettant de faire n’importe quoi n’importe où afin de maximiser les profits.
Néanmoins, en réponse aux idées néo-libérales et à la menace continuelle d’instabilité politique et économique, un grand nombre d’idées politiques diverses et de concepts culturels a émergé. Ensemble elles constituent le rejet profond et grandissant du fondamentalisme néo-libéral et de la foi aveugle dans les marchés. Cela, à son tour, a motivé un nombre croissant de citoyens et de citoyennes d’embrasser l’option de la justice sociale à travers la solidarité globale qu’offre le socialisme démocratique, la démocratie sociale, les syndicats et les autres mouvements progressistes. Tout cela a fourni la base pour revigorer la gauche démocratique, processus d’ailleurs déjà en cours. Ce qui a émergé est une vision de la mondialisation basée sur une société mondiale démocratique, un nouveau système de responsabilité collective dans lequel les considérations politiques ont la priorité sur celles qui sont purement économiques.
5. Le rôle de l’Etat-nation, le lieu traditionnel de la démocratie représentative et de la souveraineté démocratique, est en train d’être transformé considérablement et son avenir est toujours incertain. Des structures très centralisées sont dépassées et aujourd’hui beaucoup de discussions et d’efforts se déroulent pour déterminer les dimensions nécessaires et suffisantes de l’Etat-nation dans cette nouvelle ère.
La mondialisation a renforcé le pouvoir et l’influence des corporations multinationales, des manipulateurs des marchés de devises et des organisations économiques internationales aux dépens des gouvernements, des électeurs et du processus démocratique. Selon les principes néo-libéraux, la tendance compulsive à un état minimaliste allait de paire avec l’adoption non critique de l’individualisme et de la privatisation, qui a conduit à l’érosion de l’esprit communautaire et la contraction de l’espace public. Même la provision des droits qui se proclament universels, comme le droit à l’éducation et l’assistance sanitaire n’est plus considérée comme une responsabilité publique par les néo-libéraux.
En conséquence, le fonctionnement même de la politique pendant la dernière décennie a été sapé et se réduit. Et l’Etat-nation, avec une capacité de répondre aux phénomènes qui dépassent les frontières nationales de manière effective diminuée, est moins capable de représenter pleinement les intérêts de ses citoyens et de ses citoyennes.
En réponse aux forces nouvelles mondiales, il apparaît que le caractère et la structure de l’Etat-nation sont en train d’évoluer dans un double processus. En premier lieu vers la supranationalité, comme nous l’avons vu dans l’intégration régionale de l’Union européenne et le Mercosur. De tels efforts sont basés sur la reconnaissance que tout seuls, les Etats-nations ne peuvent pas affronter les défis de la mondialisation. En même temps, cependant, l’intégration régionale peut mettre la souveraineté des Etats-nations eux mêmes en doute ainsi que l’autorité des gouvernements élus en leur sein.
Le second processus, étroitement lié à la capacité faiblissante des gouvernements, est vers la décentralisation du pouvoir au sein des Etats-nations. Il est basé sur les revendications pour des réponses plus efficaces aux problèmes locaux à l’intérieur des pays et sur le désir grandissant parmi les citoyens et citoyennes de préserver les identités locales et culturelles contre les forces standardisantes et homogénéisantes de la mondialisation. Ce processus se manifeste dans une redistribution de l’autorité politique interne avec pour vue d’atteindre une plus grande flexibilité, une proximité plus proche des vies quotidiennes des citoyens et citoyennes et, dans certains cas, une prise de conscience meilleure et des réponses meilleures à la diversité ethnique et culturelle. Le concept de délégation du pouvoir basé sur des identités ethniques différentes reste cependant contesté, même si l’alternative semble être la menace plus grande de la désintégration sociale et l’effondrement de l’Etat-nation lui-même. Pendant que l’Etat-nation subit ce double processus de décentralisation, il reste toujours le seul garant de la démocratie, la transparence et la cohésion sociale.
L’importance de ces atouts inestimables, particulièrement aujourd’hui dans l’ère de la mondialisation, est devenue assez apparente pendant la crise asiatique il y a juste quelques années. Il se peut qu’ils ne s’accordent pas avec les opinions néo-libérales qui manquent de vision et qui confondent le coût et la valeur. Mais ils sont essentiels pour la stabilité économique et sociale, et des avantages comparatifs importants au long terme.
L’Etat-nation demeure également l’entité principale qui peut assurer que les marchés soient utilisés pour servir le bien-être public et non pas les intérêts des investisseurs. La transformation des monopoles publics en oligopoles privés dont l’unique fin est le bénéfice immédiat a, jusqu’ici, seulement augmenté les inégalités sociales et économiques dans un nombre de pays. Les gouvernements doivent donc fournir des cadres dans lesquels la privatisation des services publics comme par exemple les télécommunications, l’énergie ou les moyens de transport, est réglée correctement afin de promouvoir la provision effective des services.
6. L’ère de la mondialisation a un impact très fort sur la réalité internationale. Les changements technologiques, ainsi que les nouvelles menaces environnementales, les flux migratoires que l’on ne peut pas arrêter, l’affirmation renouvelée de l’identité culturelle et la perte d’autonomie de la politique au niveau national, sont tous des éléments dans les niveaux accrus de désordre dans le monde et dans les crises qui se présentent à une échelle de plus en plus transnationale.
Les structures et institutions mises en place après guerre créés dans le contexte d’un monde organisé autour de deux blocs - dont l’influence et la portée ont affecté non seulement la politique et la sécurité mais aussi les terrains économico-commerciaux et financiers partout - se sont maintenant révélées moins que satisfaisantes et dans certains cas, presque obsolètes.
Les structures des Nations Unies, en particulier le Conseil de Sécurité, apparaissent de plus en plus inefficaces, indécises et incapables de trouver les ressources pour répondre aux conflits nationaux et régionaux de plus en plus compliqués, impliquant des conflits interethniques et des violations massives des droits de la personne. La prolifération continue du nucléaire et des armes conventionnelles, les armes sophistiquées et de hautes technologies à la disposition croissante des terroristes et des groupes de crime organisé, constituent une menace accrue que la communauté a jusqu’à présent été incapable d’aborder correctement.
Dans le domaine économique et commercial, l’Organisation mondiale du commerce a été une structure utile et dans une grande mesure efficace mais elle n’a pas été capable d’atteindre des équilibres dans les échanges entre les pays ayant des niveaux de développement différents, c’est pourquoi des échanges injustes et le transfert conséquent des ressources de pays du Sud vers ceux du Nord, continuent d’exister. En même temps, la mondialisation a modifié les modèles traditionnels du développement, incorporant des régions autrefois en marge mais, en même temps, excluant dramatiquement d’autres régions qui se noient encore plus dans la pauvreté.
L’OMC n’a également pas pu assurer le respect des règles traditionnelles du commerce, car la continuation des politiques protectionnistes - par exemple l’usage considérable des subventions agricoles nationales dans le monde développé - ne fait qu’aggraver les déséquilibres existants et sape les efforts de promotion de la croissance dans les pays les plus pauvres et ceux en développement. Le dumping social devient alors de plus en plus courant alors que ces pays luttent pour être compétitifs et fournir des emplois dans des conditions désespérées. Cette tendance négative mine les droits sociaux en général et en particulier les droits des femmes et des minorités ethniques.
L’OMC n’a pas non plus réussi à empêcher ou même diminuer l’exploitation du travail des enfants ou le travail forcé, qui sont parmi les exemples les plus flagrants du dumping social. A travers nos efforts pour le développement, il faut créer des conditions pour aider les enfants à aller à l’école au lieu de travailler et augmenter les opportunités de leurs parents afin qu’ils ne dépendent plus du revenu de leurs enfants.
Parallèlement, la concurrence pour les investissements directs signifie que les gouvernements ont eu tendance à moins taxer le capital et à transférer la charge de la taxation directe ou indirecte sur le travail. L’abaissement concurrentiel des avantages sociaux dégrade le travail, abaisse les standards de vie, augmente la pauvreté et, dans le processus, réduit la demande du consommateur et limite la croissance.
Concernant le droit du travail en général, l’écart entre les principes qui inspirent l’Organisation internationale du travail et le manque d’autorité de celle-ci pour imposer l’observation de ces principes, est une indication de plus de l’incapacité de la communauté internationale à aborder efficacement la dimension sociale du commerce et des échanges mondiaux.
7. Dans le domaine financier mondial, il est évident qu’avec la croissance exponentielle des mouvements de capitaux à court terme, le Fonds monétaire international et la Banque mondiale sont incapables de répondre de manière adéquate aux turbulences financières de plus en plus fréquentes. Les problèmes au sein du FMI et de la Banque mondiale peuvent être expliqués en partie par les fonctions différentes des deux institutions et par l’obsolescence de beaucoup des règles et régulations sur lesquelles elles ont été établies il y a plus cinquante ans. Et bien qu’autrefois il y avait du mérite dans la distinction originelle selon laquelle le FMI serait une agence de soutien de la balance des paiements à court terme comme moyen d’éviter une dévaluation indésirable ou une déflation non nécessaire tandis que la Banque mondiale servirait d’agence de développement à long terme, les rôles sont confus depuis les années 1980, lorsque la Banque a insisté sur l’interdépendance avec le FMI avant d’entreprendre des programmes de développement.
En ce qui concerne la protection de l’environnement et la durabilité des ressources naturelles, il est apparent que les instruments nécessaires et le consensus international pour une action continue, n’existent pas. L’engagement qui a résulté des sommets de Rio et de Kyoto n’a pas été appliqué, tandis que les efforts en ce sens ont aggravé les divisions profondes entre les pays développés d’un côté et les nations en développement qui craignent que les contraintes environnementales ne feront que les laisser encore plus loin derrière dans la course mondiale au développement économique.
Parallèlement, une des grandes et tragiques ironies de l’ère mondiale est que tandis que les barrières contre le commerce et les mouvements de capitaux sont abaissées ou démantelées, en particulier entre le monde développé et celui en développement, des obstacles au mouvement des gens sont renforcés et de nouveaux mis en place. En fait, la liberté de transférer presque tout - biens, devises, services, entreprises - est considérée comme un droit sauf lorsque il s’agit du mouvement des êtres humains, dont beaucoup dans le monde développé s’attendent à rester prisonnier de leur destin, peu importe si la situation dans laquelle ils se trouvent est désespérée.
Cependant, le mouvement de gens, dont plus de 50 pour cent sont des femmes, continue d’augmenter. Cherchant à améliorer leurs vies ou fuyant les persécutions politiques, ethniques, religieuses ou culturelles, ils restent imperturbables devant la xénophobie très répandue grandissante. De plus, il s’est révélé impossible de les dissuader par pratiquement tous les moyens, tandis que calculer l’impact sur les pays où ils arrivent ainsi que ceux d’où ils viennent n’en demeure pas moins difficile.
II. DEMOCRATISER LA MONDIALISATION
1. Tout au long de l'histoire de l'Internationale Socialiste et surtout dans cette période de croissance inégalée, notre organisation continue à s'engager pour encourager et renforcer des sociétés plus libres, plus équitables, plus justes, plus cohésives, tout en privilégiant le respect des identités, des histoires, des cultures individuelles et des différents stades de développement dans lesquels les différentes nations sont engagées.
Comme nous le rappelait Willy Brandt, les membres de notre Internationale - socialistes démocratiques, sociaux-démocrates, travaillistes et autres mouvements progressistes - ont montré tout au long de leurs histoires une détermination à rajeunir et s’adapter aux changements mondiaux. Plus récemment, en Europe par exemple, la social-démocratie a démontré la capacité de réformer son approche politique dans la poursuite des buts fondamentaux de liberté, paix et justice sociale tandis que ce qu’on appelait "socialisme réel" se révélait être un échec sur tous les points.
2. La principale tâche à laquelle nous devons nous atteler est de donner une dimension sociale au processus de mondialisation et de mettre celui-ci au service de l'humanité. En d'autres termes, l'objectif est d'encourager les effets positifs de la mondialisation et d'en limiter les aspects négatifs. Il faut donc réguler la mondialisation, mais de manière équilibrée, en obtenant l’équilibre par le biais d'une renaissance et du renforcement des gouvernements au niveau des autorités locales, de l’Etat-nation, des organisations régionales et des institutions internationales.
De nouvelles règles de gouvernement, y compris des dispositions relatives à une participation accrue des citoyens, doivent être mises en place pour répondre effectivement aux défis nouveaux et complexes. En particulier, il faut donner de plus grandes chances aux jeunes, qui forment la majorité de la population dans un nombre croissant de pays, de participer dans le processus des décisions. L’abaissement du droit de vote à 18 ans doit devenir universel. En même temps, nous réitérons également notre engagement à rajeunir la politique, promouvoir les jeunes dans la prise de responsabilités et pour qu’ils puissent parvenir à des postes électifs. Les institutions démocratiques à tous les niveaux doivent être revitalisées, quand elles existent, et créées quand elles sont nécessaires.
Le socialisme démocratique est né et s’est développé sur la base, en partie, d’une relation critique au capitalisme. L’Internationale Socialiste reconnaît et respecte les capacités créatrices et productives du marché. La démocratie s’est toujours développée au sein de systèmes économiques basé sur le marché. Mais nous ne demandons pas au marché plus qu’il ne peut offrir. Nous reconnaissons également qu’il existe des systèmes politiques autoritaires dans lesquels les marchés ont le droit de fonctionner et donc, nous ne confondons pas démocratie et marché.
De plus, nous reconnaissons que l’éducation, la santé et la diversité culturelle ajoutent toutes de la valeur et améliorent le fonctionnement d’une économie ouverte, la rendant non seulement plus forte et plus productive, mais viable dans le temps. Cependant on ne peut pas compter sur les marchés par eux-mêmes pour assurer que ces éléments soient fournis et protégés, c’est pourquoi les sociétés se sont montrées plus résistantes et cohésives là où le socialisme démocratique a joué un rôle dans la formation des politiques publiques.
3. Nous affirmons donc:
• que l’action politique, enracinée dans l’engagement civique et démocratique des officiels élus et ceux chargés de faire la politique, doit jouer le rôle central en assurant l’égalité des chances, la justice sociale, et la promotion, en général, de tous les éléments nécessaires pour des sociétés libres, stables et prospères;
• que la gestion de la mondialisation exige une participation démocratique de haute qualité au niveau local, régional, national et international pour la création et l’application de normes, règles et engagements communs;
• que c’est une responsabilité politique de garantir le respect des droits universels à l’éducation et un haut standard de protection sociale y compris l’assistance sanitaire ainsi que des services d’aide et de protection de l’enfance et de la vieillesse;
• que c’est une responsabilité politique de défendre les droits de la personne partout dans le monde, en particulier là où les violations des droits universels et spécialement les droits des femmes, sont rationalisées par de faux arguments basés sur une compréhension dénaturée de la différence culturelle;
• que c’est une responsabilité politique de réguler et assurer le fonctionnement, efficace, bon et juste des services tels les transports, l’énergie et les télécommunications, qu’ils soient publics ou privés;
• que c’est une responsabilité politique de promouvoir la concurrence économique et la croissance de façon à créer un nombre d’emplois significatif, empêcher les tendances monopolistiques dans le développement des marchés et protéger les droits des consommateurs, et
• que c’est une responsabilité politique de façonner un nouvel ordre international qui puisse réguler l’économie mondiale et ses finances et garantir la paix et la sécurité en équilibrant le respect pour la diversité à tous les niveaux avec le respect et la protection des droits universels fondamentaux.
4. La solidarité est la clé des efforts de l'Internationale pour former une société mondiale démocratique. La solidarité s'est toujours trouvée au cœur de notre mouvement depuis le début et nous a placés à l'avant-garde pour répondre aux nouveaux défis de la mondialisation. C’est grâce à la contribution significative de nos travaux résolus et de longue date, que l'Europe est dotée d'un traité contenant un important pacte de solidarité sociale. Dans ce sens, nos partis et organisations membres redoublent d’efforts pour étendre ce pacte au niveau mondial et former un consensus international qui mènera à des accords concrets sur la dimension sociale de la mondialisation.
La solidarité concerne fondamentalement la lutte contre l’inégalité et elle nous guide également dans notre lutte pour l’égalité des genres et contre toute forme de discrimination basée sur les origines nationales, ethniques, croyances religieuses ou opinions politiques. Nos efforts doivent donc continuer à être orientés vers la redistribution, au sein des pays et au niveau international, des biens matériels, l’éducation, l’assistance sanitaire et les services pour les personnes âgées.
En outre nous reconnaissons que l’octroi et la jouissance des droits sociaux requièrent l’acceptation de responsabilités civiques correspondantes de la part des citoyens et citoyennes, et qu’ils doivent eux-mêmes participer activement à l’amélioration et la protection du bien commun. Nous réaffirmons donc le besoin d’un équilibre entre droits et responsabilités, entre politiques activistes qui cherchent à inclure le plus grand nombre de gens et les politiques universelles qui n’excluent personne.
Parallèlement, nous proposons une nouvelle forme de solidarité basée sur la redistribution de l’initiative et la créativité individuelle, et la volonté de prendre des risques, puisqu’ils ont la valeur de créer des opportunités et la richesse pour les autres. Nous pensons qu’avec le partage de la technologie et des compétences, la lutte contre la pauvreté dans un l’environnement compétitif d’aujourd’hui exige la promotion de l’esprit d’entreprise dans des projets économiques, sociaux et culturels. Cette nouvelle dimension de la solidarité nécessite des changements dans les attitudes sociales, ainsi que dans les systèmes de l’éducation et de la formation, afin que l’initiative personnelle et l’esprit d’invention soient récompensés comme il se doit. La redistribution de l’esprit d’entreprise dans ce sens coopératif est une expression de solidarité qui est directement opposée à l’individualisme anti-social et mercenaire de la pensée néo-libérale.
5. La conviction de l’Internationale Socialiste est que les briques fondamentales à la construction d'une société démocratique mondiale sont toujours les nations elles-mêmes, avec leurs partis politiques, leurs institutions publiques et les organisations et mouvements civiques qui canalisent et répondent aux aspirations de la population d'une nation. Un monde sans règles, réglementations ni engagements concrets penchera vers le démembrement et seuls les gouvernements des pays fondés sur des pouvoirs obtenus en toute légalité parviendront à équilibrer les forces centrifuges, de morcellement, pouvant être libérées par les forces du marché et susceptibles de menacer la cohésion sociale nécessaire à toute entreprise humaine.
Notre Internationale préconise par ailleurs qu’on remette en question et qu’on adapte le rôle des nations, pour obtenir non seulement un gouvernement plus efficace et représentatif, mais surtout une plus grande interaction entre les pays au niveau régional. Ce renforcement des structures régionales, basé sur des intérêts communs et dans le respect des diversités culturelles, est devenu d'une importance critique étant donnée la nature transfrontalière des problèmes créés par les courants mondiaux actuels. L'objectif est non seulement d'améliorer le bien-être des nations individuelles par le biais d'une coopération économique et d'échanges renforcés, mais également de développer des projets politiques plus larges et mieux équilibrés pour obtenir la paix et la sécurité, la défense de l'environnement, ainsi que le transfert et l'échange équitables des technologies. L'Europe s'oriente résolument vers une forme ouverte et flexible d'intégration régionale que nous soutenons car c’est la meilleure manière de répondre aux défis que les nations agissant par elles-mêmes ne peuvent pas surmonter de manière efficace. Nous sommes également en faveur de l'intégration régionale qui est en train de voir le jour, à différents niveaux, dans d'autres parties du monde - de l'Amérique latine à l'Afrique en passant par l'Asie.
Le renforcement des relations entre Etats au sein de régions géographiques cimente à son tour les fondations d'une plus grande coopération au niveau mondial, en particulier au travers des Nations Unies dont le travail reste essentiel pour les perspectives de progrès mondial. Les défis d’aujourd'hui sont toujours d'encourager un nouvel ordre mondial, doté d'instruments multilatéraux efficaces pour parer à la naissance des conflits, les gérer et les résoudre. Comme pas concret vers l’accomplissement de cette tâche, l'Internationale Socialiste soutient la proposition visant à l'augmentation du nombre de membres permanents au Conseil de sécurité des Nations Unies et s’efforcera de restreindre l’usage du droit de veto. Une telle mesure contribuera à la démocratisation des Nations Unies dans l’ensemble, tout en rendant le conseil de sécurité de l'ONU plus représentatif de la nouvelle réalité mondiale.
Donc, dans le cadre de ses efforts continus pour promouvoir l’établissement d’une solidarité mondiale comme fondation d’un nouvel ordre mondial, l'Internationale Socialiste:
• réitère dans les termes les plus forts qu’il n’y a pas et ne peut pas y avoir de justification au génocide ou au nettoyage ethnique et qu’il ne devrait jamais y avoir d’impunité pour les régimes dictatoriaux qui violent systématiquement les droits universels de la personne. Dans ce contexte, nous réaffirmons notre soutien pour la création d’une Cour pénale internationale, comme l’a exigé le Traité de Rome et le "droit d’ingérence pour raison humanitaire" toujours dans le cadre du droit international, comme part intégrale de la lutte pour la démocratie et les droits de la personne;
• reste engagée à prendre toutes les initiatives politiques nécessaires, à l’intérieur des nations ainsi que dans les institutions internationales, afin de soutenir une abolition totale de la peine de mort partout dans le monde. Une société qui justifie le meurtre légalisé ne peut que promouvoir le meurtre;
• lance un appel pour l’annulation de la dette - qu’elle soit bilatérale ou multilatérale - des pays les plus pauvres du monde et leur fournir un accès illimité au marché. Les générations futures de ces pays doivent être libérées de ce fardeau accablant, tandis que les générations actuelles peuvent utiliser les ressources ajoutées pour lutter contre la pauvreté et financer des services comme la santé, l’éducation et le développement local;
• s’engage à œuvrer pour la réduction et l’élimination progressive de la pauvreté extrême, faisant de la lutte contre la pauvreté en Afrique une priorité. Cette lutte doit être menée à un niveau national, régional et international, renforçant la coopération bilatérale et multilatérale, appliquant de meilleurs méthodes de déboursement de l’aide, et en même temps améliorant les capacités des pays en développement à absorber les fonds d’aide et à initier des projets de développement au bénéfice de ceux qui en ont le plus besoin. Dans ce contexte, une attention particulière devrait être consacrée à la création d’emplois dans les campagnes comme dans les villes, à l’amélioration des services sociaux, et de la nutrition des enfants et des groupes vulnérables. Quelques 70 pour cent des pauvres sont des femmes, un fait qui doit être pris en considération dans la préparation des mesures pour éradiquer la pauvreté, et
• soutien l’adoption par l’Organisation mondiale du commerce d’une clause sociale combinée avec un nouveau système de préférence pour les pays les moins développés. La clause sociale devrait, au minimum, interdire le travail forcé et le travail des enfants, embrasser l’égalité des chances pour les hommes et les femmes et garantir des libertés syndicales complètes, y compris le droit à la libre association et à la négociation collective.
III. GERER LA MONDIALISATION
1. La mondialisation est une force puissante capable d’encourager la croissance et le développement. Mais le désarroi destructeur qui a frappé l’économie mondiale dans un certain nombre d’occasions ces dernières années avec des conséquences vraiment transnationales, souligne le besoin de résoudre un paradoxe crucial : les marchés commerciaux et financiers sont aujourd’hui des phénomènes mondiaux alors que le gouvernement et la réglementation sont des phénomènes principalement nationaux.
Le défi fondamental est donc de restructurer le déséquilibre actuel entre le pouvoir ascendant des marchés financiers et le pouvoir faiblissant des gouvernements à faire rendre des comptes à ces marchés. Donc, si nous voulons que les marchés financiers servent les hommes au lieu de dominer les gouvernements, nous devons faire en sorte qu’ils puissent maximiser l’emploi et de bien-être général tout en minimisant les risques pour l’environnement. Les marchés ont besoin de règles du jeu qui puissent encourager les résultats positifs pour tous. Dans une économie mondiale, on ne peut répondre au défi qu’en mondialisant la réglementation elle-même.
A cet égard, nos actions doivent se concentrer sur trois tâches étroitement liées:
• réduire les risques continus d’instabilité financière et la récession mondiale, et fournir un support aux pays qui ont déjà été touchés ou qui sont particulièrement à risque;
• améliorer la coordination des politiques économiques et sociales au niveau international afin d’obtenir une croissance et un développement plus viables, et une plus grande cohésion sociale, et
• réformer la structure internationale de réglementation financière et économique, y compris les rôles respectifs et le fonctionnement du FMI et de la Banque mondiale.
2. Le cadre général pour soutenir les économies en développement ou en transition doit être re-examiné, redirigé et certaines actions doivent être prises, y compris:
• accorder plus d’importance au niveau national et mondial à la transparence, à la supervision financière adéquate, à la responsabilisation et à des standards minimums appropriés pour les opérateurs financiers;
• le pouvoir et l’instabilité énormes des marchés du change doivent être compensés par une nouvelle augmentation des fonds du FMI afin de décourager les attaques spéculatives et soutenir les marchés émergents des économies en développement et en transition. L’exemple du Brésil, il y a peu de temps, démontre l’importance de telles interventions. Cependant, les programmes de soutien du FMI ne devraient pas avoir pour résultat la déflation, la dévaluation et déréglementation encore plus poussées des économies locales ayant besoin d’assistance, et
• dans des cas spécifiques, notamment pour éviter des interventions coûteuses, on devrait adopter temporairement des mesures de contrôle du capital dans des conditions limitées, surtout pour les flux spéculatifs à court terme. Les limites ne devraient pas être appliquées aux portefeuilles des investissements à long terme ni à l’investissement direct de capitaux.
3. Propositions pour une nouvelle approche de l’aide au développement:
Les politiques d’ajustement structurel, renforcées par l’interdépendance entre la Banque mondiale et le FMI, ont été en grande partie financées par les pauvres. Parallèlement, l’effet de filtre est rare, alors que le revenu et la richesse ont tendance à être marqués. Pour briser ce cerce vicieux, il faut adopter des mesures audacieuses afin de réduire la pauvreté par le biais d’un programme mondial d’investissement direct dans la santé, l’éducation, la nutrition, le logement et le système sanitaire pour ceux qui en ont besoin dans les pays moins développés et les moins développés.
Un tel programme devrait commencer par un examen soigneux des conditions locales spécifiques afin de préparer des projets d’aide adéquats. Les investissements sociaux, une fois faits, devraient être surveillés et devraient dépendre de conditions sociales: les projets ayant réussi devraient être prolongés par le biais de plus de financement; les programmes non productifs ne le seraient pas; et le mauvais emploi ou la mauvaise affectation du financement seraient pénalisés.
L’un des motifs du faible niveau d’investissement institutionnel dans de nombreux pays en développement est la faiblesse interne de leurs propres intermédiaires financiers et le risque qui y est associé. Dans un nombre de pays ceci pourrait être compensé en renforçant les institutions locales en coopération avec les agences multilatérales. En particulier, les investisseurs institutionnels sont attirés par les émissions d’obligations publiques à une époque où les marchés des valeurs sont en déclin ou stagnants. C’est dans ce sens que la Banque mondiale devrait être un acteur majeur dans la question d’obligations de développement qui pourraient co-financer une gamme d’investissements diversifiés dans les pays les moins développés. Pour compenser le rétrécissement des crédits et renforcer les capacités commerciales, la Banque devrait également introduire un fonds mondial de capitaux à risque pour cofinancer les marchés des capitaux à risques pour les petites et moyennes entreprises dans les pays en développement.
Autres propositions concernant l’aide au développement:
• tous les projets entrepris par la Banque mondiale devraient être constamment et minutieusement soumis à des conditions environnementales, c’est-à-dire que chaque projet soit planifié et exécuté de façon à préserver et protéger l’environnement;
• dans la promotion du développement économique, on devrait accorder plus d’importance au développement des marchés intérieurs et de la demande, et à la satisfaction des besoins de base de la population au lieu de se concentrer simplement sur la croissance basée sur les exportations;
• lancer de nouvelles priorités pour la coopération internationale ayant pour but d’utiliser les progrès des technologies de l’information et de la manipulation génétique afin de créer de nouvelles solutions aux problèmes de développement;
• annuler la dette des pays hautement endettés;
• on devrait s’attendre à des déficits sur les échanges et les accepter, dans une certaine limite, dans le cas des pays en développement qui poursuivent l’investissement dans le secteur social et les institutions internationales devraient les exempter de la conditionnalité financière, et
• améliorer la dimension sociale dans la conception des politiques de stabilisation menées par le FMI; la politique de réduction de la pauvreté et de facilité à la croissance n’est pas suffisante.
4. Propositions pour coordonner les politiques économiques de promotion de la croissance durable:
Une demande stable et croissante est essentielle pour soutenir la croissance. Comme nous l’avons souligné dans le préambule du traité de l’OMC, la libéralisation du commerce et l’ouverture des marchés des pays développés doit être complémentée par une demande encourageant l’obtention du plein emploi. L’ouverture plus poussée des pays développés doivent être encouragées, évitant le dumping social. Le commerce libre doit être aussi un commerce équitable.
Pour promouvoir un commerce équitable, l’OMC devrait adopter un système de préférences favorable aux pays moins développés et adopter une clause sociale interdisant le travail forcé et le travail des enfants, et garantir l’égalité des chances pour les hommes et les femmes, les libertés syndicales et les droits de négociation collective.
Cependant, la responsabilité centrale reste celle des pays développés, dans leur propre intérêt et dans l’intérêt général. Ils se trouvent au cœur du système mondial. Leurs politiques économiques déterminent la demande mondiale. Leur rôle dans la définition des taux d’intérêts à long terme doit être de soutenir un cercle vertueux entre les économies et la croissance, et de soupeser un faible risque d’inflation continu contre un risque plus important de sous-production et de chômage.
Plusieurs gouvernements comprennent déjà que le danger principal aujourd’hui n’est pas l’inflation mais la déflation, la dépression et le chômage grandissant. Pour s’assurer contre de telles menaces, et avec pour but d’augmenter l’emploi, alléger l’exclusion sociale et améliorer