DISCOURS DE BIENVENUE PRONONCE PAR LE CAMARADE ISSOUFOU MAHAMADOU
Président du Parti Nigérien pour la Démocratie et le Socialisme (PNDS) à occasion de la réunion du Comité Afrique de l'Internationale Socialiste (Niamey 24-25 Avril 2006 au Palais des Congrès)
Monsieur le Premier Ministre.
Camarade Secrétaire Général de l'Internationale Socialiste
Camarade Président du Comité Afrique de l'Internationale Socialiste
Camarade Vice Président de l'Internationale Socialiste
Camarades Députés Nationaux
Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs et Représentants des Organisations Internationales
Camarades Conseillers Municipaux
Camarades Délégués des Partis Politiques Socialistes d'Afrique et d'Europe
Mesdames et Messieurs les Représentants des Partis Politiques amis
Camarades Militantes et Militants
Mesdames et Messieurs,
C'est pour le Parti Nigérien pour la Démocratie et le Socialisme (PNDS-TARAYYA), un insigne honneur et un grand privilège d'abriter pour la deuxième fois, les assises du Comité Afrique de l'Internationale Socialiste.
En effet, il y a de cela cinq (5) ans, au mois de Juin 2001, notre Parti a été l'hôte des mêmes assises. Ce fut pour nous l'occasion de discussions fructueuses. Je voudrais remercier sincèrement les Camarades Luis Ayala et Tanor Dieng respectivement Secrétaire Général de l'Internationale Sociale et Président du Comité Afrique de notre Organisation, de cette marque de considération à l'endroit de notre parti. Je profite de la présente occasion pour féliciter personnellement Luis Ayala par rapport à la victoire de la Camarade Michelle Bachelet aux élections présidentielles tenues au Chili. Je voudrais également remercier le Camarade Pascal Affi N'Guessan Vice -Président de l'Internationale Socialiste, Ancien Premier Ministre de Côte d'Ivoire et Président du Front Populaire Ivoirien (FPI).
Mesdames, Messieurs, Camarades Délégués,
Nous sommes d'autant plus reconnaissants que beaucoup des délégués des Partis d'Europe et d'Afrique nous ont honorés de leur présence en dépit de l'enclavement de Niamey, particulièrement mal desservi en matière de communications aériennes comme beaucoup d'autres capitales africaines. Par exemple, certains délégués ont mis une semaine entre leur départ et leur arrivée à Niamey. Permettez-moi donc de saluer tous les participants venus d'Europe et de toutes les régions de notre continent.
Ainsi, je salue les camarades venus d'Algérie, de l'Angola, du Bénin, du Burkina Faso, du Burundi, du Cameroun, du Cap vert, de Côte d'Ivoire, du Danemark, de France, de Grèce, de Guinée Conakry, du Ghana, du Mali, du Maroc, de Mauritanie, de Norvège, du Rwanda, du Sénégal, de Suède, de Tunisie ainsi que le Représentant du Parti Socialiste Européen (PSE). Je leur souhaite à tous la bienvenue au Niger. Leur présence à Niamev est une nouvelle preuve de la solidarité qui constitue une des valeurs cardinales de l'Internationale Socialiste, cette solidarité qui était partout présente en Afrique et qui fait tant défaut à notre continent aujourd'hui marginalisé, englué, dans les replis identitaires, dans les conflits, dans la pauvreté et dans la mal gouvernance.
Mesdames, Messieurs, chers Camarades, La gouvernance démocratique, la pauvreté et les conflits constituent justement les trois (3) thèmes de notre présente rencontre. L'occasion nous est donc offerte pour une évaluation des avancées réalisées dans ces domaines mais aussi pour un inventaire des obstacles, hélas nombreux qui se dressent sur le chemin de l'affermissement de la démocratie et de la bonne gouvernance, de la lutte pour l'éradication des conflits et de la pauvreté. En effet, si les règles de la démocratie pluraliste sont acceptées comme le paradigme formel de légitimation du pouvoir, il n'en demeure pas moins vrai que l'Afrique reste le continent de cette remarquable schizophrénie institutionnelle consacrant un divorce radical entre l'esprit des institutions et la pratique concrète qui en est faite. Le grand défi pour le continent consiste précisément dans l'effort en vertu duquel s'opérera un jour cette mise en adéquation nécessaire entre ce que postulent les textes institutionnels et la pratique telle qu'elle a cours sur le terrain au quotidien.
Ainsi, la plupart des pays africains disposent:
- De bonnes constitutions mais celles-ci sont sujettes à des manipulations et des modifications en vue de la conservation à vie du pouvoir;
- D'un bon cadre légal pour l'organisation des élections mais celles-ci sont souvent truquées;
- Des lois qui consacrent l'Etat de droit mais les violations des droits de l'homme
notamment l'asservissement et le baillonnement de la presse ainsi que la persécution des opposants sont des pratiques courantes;
A cette mauvaise gouvernance politique s'ajoute une mauvaise gouvernance économique. Certes, il existe des cas, malheureusement rares, de pays qui ont su fonder une gouvernance économique vertueuse et qui ont pu enclencher le processus de leur décollage économique. Pour minoritaires qu'ils soient, de tels pays montrent la voie. Leur expérience mérite notre attention. Malheureusement, la plupart des pays africains sont gangrenés par la corruption, les détournements des deniers publics entamant des inégalités dans les niveaux de vie les plus élevées de la planète.
La mauvaise gouvernance politique et économique constitue une des principales causes
internes de la pauvreté en Afrique. La privatisation informelle des Etats Africains est poussée à un niveau tel que l'Etat est affaibli dans l'exercice de son monopole fiscal, ce qui explique, indépendamment de la structure des économies, la faiblesse de la pression fiscale dans différents pays du continent et donc la rareté des ressources internes mobilisables. Les inégalités sont tellement obscènes, pour utiliser un mot de Mandela, qu'elles rendent impossible la création d'une classe moyenne et brident la croissance économique. C'est dire que les inégalités, déjà moralement inacceptables, sont économiquement inefficaces. Par ailleurs la fuite des cerveaux et celle des capitaux fait que l'Afrique perd 20 000 personnes qualifiées chaque année et 40% de son épargne est détenue à l'extérieur du continent contre 6% pour l'Asie de l'Est. et 3% pour 1'Asie du Sud. Du fait de l'existence de toutes ces tares, l'Afrique n'atteindra les objectifs du Millénaire pour le Développement ni en 2015 ni même dans un siècle si rien ne change.
Mesdames, Messieurs, Camarades Délégués,
Le second thème de notre rencontre est la pauvreté. Parmi ses causes internes, il faut ajouter à la mal gouvernance évoquée plus haut, I'insuffisante intégration des économies africaines et le taux exponentiel de la croissance démographique. En effet, malgré la création de l'Union Africaine, le processus d'intégration économique et politique du continent a du plomb dans l'aile. Les communautés économiques régionales et sous régionales sont loin d'avoir amorcé leur feuille de route et leur agenda demeure aussi hypothétique que toujours. Le NEPAD est mort-né. Les difficultés rencontrées par certains camarades pour atteindre Niamey et participer à la présente rencontre en constituent une parfaite illustration.
Pourtant, N'Krumah nous avait prévenu, depuis longtemps, que << l'Afrique doit s'unir ou périr>>. Le taux exponentiel de la croissance démographique constitue un autre défi. La population de l'Afrique subsaharienne augmente en effet au rythme de 2,7% par an. Elle double donc tous les 25 ans. En 1980 elle était de 383 millions. En 2002 elle a atteint 689 millions. Le taux de croissance de la production agricole est inférieur au taux de croissance démographique. C'est particulièrement vrai de la situation au Niger ou le taux annuel de la croissance démographique est de 3,3 % alors que le taux annuel de croissance de la production agricole sur les 20 dernières années est de 2 %. Cette pression démographique met les populations dans des situations de déficit alimentaire chronique et de famines sporadiques, contribue à dégrader considérablement l'environnement et à accentuer les tensions pour l'appropriation des ressources. Et, comme pour ne rien faciliter, il se trouve que la population africaine est à dominance jeune et même très jeune. Or, dans le contexte actuel de faillite des systèmes éducatifs, de formations professionnelles et de chômage, il s'agit assurément là d'une bombe à retardement.
Aux causes internes de l'appauvrissement de l'Afrique s'ajoutent des causes externes dont les politiques économiques néolibérales imposées de l'extérieur, l'échange inégal et la dette. La mise en ceuvre de l'ensemble de ces mécanismes entraîne une balance de transfert des ressources défavorables aux pays Africains qui, en fin de compte, aident les pays riches en dépit du discours sur l'Aide Publique au Développement (APD).
En effet, les privatisations d'entreprises, la libéralisation des marches, sauf ceux comme le marché du travail ou des services pour lesquels les pays pauvres ont des avantages comparatifs, le recours des riches aux subventions pour protéger notamment leur agriculture, les remboursements à plusieurs reprises du montant de la même dette sont autant des preuves qui dévoilent l'absence de volonté des riches à participer à l'effort d'éradication de la pauvreté. Le traitement infligé aux migrants Africains, aux portes de l'Europe, en constitue une éloquente illustration.
Mesdames, Messieurs, Camarades Délégués, Le troisième thème de notre rencontre porte sur les conflits. L'Afrique est la région du monde où il y a le plus de conflits civils. La typologie des conflits qui ont secoué ou secouent l'Afrique présente un spectre qui va des conflits liés aux difficultés de transition ou de gouvernance démocratique aux conflits régionaux nés d'un contexte d'insécurité globale conduisant à une situation de recomposition géopolitique en passant par les conflits à caractère identitaire, les conflits motivés par la volonté d'accéder à des ressources naturelles et d'en contrôler le trafic. Du fait des conflits l’Afrique enregistre plusieurs millions de personnes déplacées et de réfugiés. Les conflits ont aussi des incidences économiques catastrophiques: destruction des infrastructures, arrêts des investissements, dissipation des ressources financières dans l'achat des armes de guerre. Les Etats des pays qui ont connu les conflits armés perdent, longtemps après le retour de la paix, l'exercice du monopole de la violence compte tenu de la dissémination des armes de guerre sur l'ensemble de leurs territoires. C'est le lieu de me féliciter de ce que notre rencontre s'ouvre ce 24 Avril 2006, journée consacrée, chaque année, à la concorde consécutivement à la paix retrouvée après la rébellion armée que le Niger a connue dans les années 90. Je profite de l'occasion pour souhaiter la paix et la concorde à tous les pays actuellement en conflits notamment à la Côte d'Ivoire, au Tchad et au Soudan.
Mesdames, Messieurs, Camarades Délégués, Face à tous les défis que nous venons d'évoquer, que doivent faire l'Internationale Socialiste en général et le Comité Afrique en particulier ? Les Socialistes se doivent d'être à la hauteur de la vocation de leur mouvement qui est celle d'une conscience alternative pétrie de grandes valeurs humanisme. Le Socialisme Démocratique est la seule vision politique qui s'appuie à la fois sur les exigences de liberté, d'égalité, de justice et de solidarité. Armée de ces valeurs, les socialistes Africains doivent être dans tous les pays de notre vaste continent, à l'avant-garde de la lutte pour la bonne gouvernance politique et économique c'est à dire à l'avant-garde du combat contre les manipulations constitutionnelles, les élections truquées, l'exercice non démocratique du pouvoir, la corruption, la privatisation informelle des Etats, la lutte pour la paix et la lutte contre la pauvreté. Les inégalités doivent être au centre de leurs préoccupations ainsi que l'accélération du processus d'intégration des pays du continent. Pour assumer cette mission historique, nous devons mettre en place dans tous les pays Africains des partis socialistes puissants et en organiser la solidarité. Le Comité Afrique doit être le maître d'œuvre en vue de l'exécution de ce vaste chantier. Il doit aussi être, au sein de l'Internationale Socialiste, le porte parole des peuples d'Afrique dont les aspirations doivent être prises en compte dans le combat mondial des socialistes pour un monde plus juste et plus humain, dans le combat contre la mondialisation néoliberale. Dans cette perspective, le Comité Afrique doit prendre en charge les questions suivantes:
- la réforme de l'ONU afin de permettre à l'Afrique de mieux faire entendre sa voix y compris au conseil de sécurité;
- la réforme des institutions de Bretton Woods c'est-à-dire la Banque Mondiale et le Fonds Monétaire International. Ces institutions doivent abandonner leurs politiques néoliberales faites de privatisation, de libéralisation et d'austérité. Elles doivent revenir à leur mission initiale c'est-à-dire celle de l'origine de leur création à savoir: la lutte contre la pauvreté et la promotion du développement pour la Banque Mondiale et la recherche de la stabilité économique mondiale à travers le soutien à la demande globale pour le fonds Monétaire International;
- la lutte contre l'échange inégal: il s'agit d'organiser le combat au sein de l'Organisation Mondiale du Commerce (OMC) pour des règles de commerce plus justes. En particulier il doit être mis fin à la règle de deux poids, deux mesures qui consiste à demander aux pays pauvres de supprimer les subventions tout en les maintenant dans les pays riches, ou qui consiste à prôner la libéralisation des marches pour lesquels les riches ont les avantages comparatifs tout en imposant le protectionnisme là où ils ne les ont plus comme l'illustrent les cas des marchés de travail et celui de certains services;
- la poursuite du combat pour l'annulation totale de la dette;
- La réalisation de la promesse faite par les pays riches, il y a de cela une quarantaine d'années, de porter à 0,7% de leur PIB le montant de l'aide publique au développement. Ce montant est aujourd’hui à peine de 0,26% du PIB ce qui est très en deçà de ce qui est nécessaire pour le financement de la réalisation des Objectifs du Millénaire pour le Développement. C'est le lieu de rappeler que les Etats Unis d'Amérique avaient consacré 2,5 % de leur PIB, dans le cadre du plan Marshall, pour reconstruire l'Europe;
- Le rapatriement des actifs volés dans les Etats Africains par certains dirigeants. Le montant de ces actifs équivaut à plus de la moitié de la dette extérieure du continent.
Mesdames, Messieurs, Camarades délégués,
Comme vous le voyez, le Comité Afrique de l'Internationale Socialiste a du pain sur la planche. Les thèmes qu'il doit examiner au cours de sa présente rencontre qui durera 2 jours permettent d'aborder toutes les grandes questions concernant notre continent qu'elles soient internes ou externes.
Je souhaite un bon séjour au Niger à tous les camarades ainsi que des débats fructueux.
Avant de terminer, je voudrais remercier Mr Le Premier Ministre qui a bien voulu rehausser de sa présence l'éclat de la présente cérémonie. Mes remerciements vont également aux Ambassadeurs et Représentants des Organisations Internationales ainsi qu'aux représentants des partis politiques membres de la Coordination des Forces Démocratiques (CFD) et de l'Alliance des Forces Démocratiques (AFD).Naturellement je n'oublie pas les militantes et militants pour leur mobilisation exceptionnelle, preuve de leur attachement aux idéaux du socialisme démocratique.
Vive l'Internationale Socialiste ! Vive le Comité Afrique !
Je vous remercie
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